- Le Mont Blanc 4805m par la voie normale (Massif du Mont Blanc)

Publié le 29 juin 2023 à 14:24

Réalisée le 26-28 juin 2023

 

"L’alpiniste est un homme qui conduit son corps là où, un jour, ses yeux ont regardé" - Gaston Rébuffat

 

Depuis les sommets des Alpes du Nord, rares sont les points de vue ne permettant pas la contemplation du point culminant de l'Arc Alpin : le Mont Blanc. Sa proéminence et sa masse blanche en toute saison captent nos yeux à chaque ascension. Atteindre sa cime était devenu plus qu'un challenge, c'était un rêve. Un rêve qui semblait de plus en plus réalisable au vu de notre expérience grandissante en alpinisme. Il ne suffisait plus qu'à nous lancer !

Le Mont Blanc est plus qu'une montagne, c'est un symbole. Un symbole tout d'abord parce que son altitude le fait maître des Alpes. Parmi les 82 géants des Alpes dépassant les 4000m, il en est le premier et il compte bien le rester. Cependant, l'altitude du toit de l'Europe est tout de même une donnée qui varie avec le temps. Si dans l'imaginaire national il a souvent été question d'une altitude de 4807m et ce, depuis un premier relevé datant de 1863. Une dernière mesure du 05 octobre 2023 dispose que le Mont Blanc s'élève exactement à 4805,59m, soit 2,22m de moins que le dernier relevé de 2021 où il s'établissait à 4807,81m. Le sommet du Mont Blanc étant recouvert de neige, son altitude fluctue en fonction du vent, des précipitations et de la température. En effet, la couche de neige et de glace qui recouvre le sommet rocheux de la montagne s'établit entre 15 et 23m d'épaisseur. La roche n'est présente qu'à 4792m de hauteur et ce chiffre reste intangible. Quoique, de par les mouvements tectoniques et la plaque africaine se rapprochant de la plaque eurasienne, les Alpes, et donc le Mont Blanc, s'élèvent de 1 à 3mm par an. Reste à savoir si, un jour, le Mont Blanc sera gris à cause des effets du réchauffement climatique.

 

Le Mont Blanc c'est également une histoire. Et son altitude n'y est pas pour rien. Alors que les principaux sommets des Alpes, et notamment ceux qui passent la barre symbolique des 4000m d'altitude, sont gravis pendant la période dites de la Conquête des Alpes, aux alentours du XIXème siècle, le Mont Blanc, lui, se voit apprivoisé par deux chamoniards, Jacques Balmat et Michel Paccard, un certain 8 août 1786. C'est en remettant dans un contexte historique que l'on se rend compte de l'exploit pour l'époque. En 1786, la Révolution française n'a pas eu lieu et la Mont Blanc ne se situe même pas en France à cette période puisque le Duché de Savoie est alors sous influence italienne et ce jusqu'au 22 avril 1860 où il sera cédé à la France.

 

Fort de son altitude et de son histoire, le Mont Blanc est l'objet de convoitises, et pas seulement de la part des alpinistes foulant son relief ou rêvant de le faire. Depuis l'annexion de la Savoie à la France en 1860, le Mont Blanc est un point de tensions entre la France et l'Italie, et même encore aujourd'hui. En cause, la frontière entre les deux Etats sur ce mythique sommet. Deux argumentaires s'affrontent depuis près de deux siècles. Pour la France, le sommet est entièrement français, la frontière suivant la ligne de rupture à l'Est du sommet du Mont Blanc, celle-ci se retrouvant ainsi sur le Mont Blanc de Courmayeur 4765m. La thèse française s'appuie sur le Traité de Paris de 1796 signé entre la France et le Royaume de Sardaigne, dont le Duché de Savoie faisait partie, qui confirme cette frontière. Pour l'Italie, ce document juridique a été abrogé à la chute de l'Empire en 1815, c'est donc le Traité d'Utrecht de 1713 qui fait loi et qui dispose que la frontière doit suivre le principe de ligne de partage des eaux. Ce principe affirme quelque chose de relativement clair : le sens de l'écoulement de l'eau définit la frontière entre les deux entités. Le Mont Blanc étant le point le plus haut de l'arête, l'eau ne peut que soit s'écouler sur le versant Ouest soit s'écouler sur le versant Est, la frontière franco-italienne serait donc positionnée sur son sommet. La Suisse suivait la thèse française jusqu'en 2013. Depuis, elle mentionne le ''statut de territoire contesté'' sur ses cartes topographiques. Quoiqu'il en est, la nationalité, ou la binationalité du point culminant de l'Arc Alpin est un dossier fumant dans les relations franco-italiennes.

 

Loin des problèmes géopolitiques, on se fixe comme objectif de gravir le Mont Blanc à l'été 2023. Bien qu'il soit le point culminant des Alpes, la voie normale du Mont Blanc n'est pas une des plus compliquées d'un point de vue technique. La réelle interrogation quant à notre capacité à atteindre le sommet tient à l'altitude.

Pour nous faciliter la tâche, on prévoit donc une ascension par la voie normale du Mont Blanc. Cette voie normale n'est aucunement la voie historique qui passe par la face Nord de la montagne avec le Refuge des Grands Mulets en intermédiaire. De notre côté, il s'agira de rejoindre le fameux Refuge du Goûter et de suivre l'arête jusqu'à sa cime.

Il ne s'agit pas non plus de nous presser lors de cette ascension. Le but n'est pas d'y arriver en un temps record mais bien d'y arriver tout simplement. Le guide nous propose une ascension en trois jours qui se déroulerait de la façon suivante :

  • Jour 1 : Du Nid d'Aigle jusqu'au Refuge de Tête Rousse
  • Jour 2 : Du Refuge de Tête Rousse au Mont Blanc puis une descente jusqu'au Refuge du Goûter
  • Jour 3 : Du Refuge du Goûter au Nid d'Aigle

 

Ce schéma d'ascension nous a semblé idéal dans le sens où nous prenons davantage notre temps pour atteindre le Mont Blanc, augmentant ainsi notre acclimatation à la haute altitude. Mais également de profiter un maximum des paysages et de l'ambiance qui entourent l'ascension du point culminant des Alpes.

Centre historique de l'alpinisme mondial, la Vallée de Chamonix et notamment le Mont Blanc font l'objet d'une forte fréquentation, notamment en période estivale. Pour prévoir et réserver l'ascension du Mont Blanc avec notre guide et les refuges, il nous a fallu confirmer une date entre le mois de décembre et janvier précédant l'ascension. Dès la fin de l'hiver, les refuges de la voie normale affichaient complet. En plus d'une préparation physique, l'ascension du toit de l'Europe nécessite une préparation largement en amont en ce qui concernant l'encadrement et les réservations des refuges. C'est donc en janvier 2023 que nous confirmons notre ascension du Mont Blanc fin juin de la même année. Il ne nous restait plus qu'à prier pour la météo.

 

Jour 1 : Du Nid d'Aigle au Refuge de Tête Rousse.

 

Deux jours avant la date fatidique, le guide nous confirme notre départ pour l'ascension du Mont Blanc ! Le jour J on se dirige donc vers la commune de Saint-Gervais-les-Bains afin de prendre le Tramway du Mont Blanc. Un petit train à crémaillère nous conduisant directement au départ de la voie normale, au Nid d'Aigle.

 

 

En cette année 2023, le Tramway du Mont Blanc entre dans une période de travaux en vu de construire une nouvelle gare au niveau du Nid d'Aigle. Cela restreint la fréquence des trains, notamment au point haut de la ligne. Seuls trois trains permettent aux alpinistes d'atteindre le début de la voie normale du Mont Blanc. On se contentera du second de 12h15 qui nous amènera en une petite heure à la base du géant des Alpes.

La première journée fait office de mise en jambe. Le Refuge de Tête Rousse ne se situant qu'à 3100m d'altitude, on ne grimpera que 700m de dénivelés positifs depuis le Nid d'Aigle. Mais déjà, l'ambiance haute montagne est omniprésente.

 

Dès le Nid d'Aigle, le Refuge du Goûter trône sur l'arête de l'Aiguille éponyme. Le Refuge de Tête Rousse est quant à lui caché par la masse rocheuse présente en second plan.

 

L'Aiguille de Bionnassay 4052m et son glacier coulant sur les abords du Nid d'Aigle.

 

 

La solitude fait rarement partie de l'expérience de gravir le Mont Blanc. Que ce soit au départ, dans les refuges ou sur l'arête sommitale, les cordées seront nombreuses. Durant la période estivale, c'est pas moins de 200 alpinistes par jour venant du monde entier qui gravissent le Mont Blanc. Cette foule fait partie de l'expédition. Qui y arrivera ? Qui n'y arrivera pas ? On se donne rendez-vous au sommet.

 

Même les Bouquetins du coin comptent les alpinistes qui partent à l'assaut du Mont Blanc.

 

Au niveau de la Cabane des Rognes, la neige fait moitié moitié dans le paysage avec la roche. Alors que l'on limite notre passage en terrain neigeux en se dirigeant sur l'arête rocheuse au centre droit de la photo, un nouveau 4000 apparait brièvement dans le panorama tout à gauche : le Mont Blanc du Tacul 4248m.

 

Au tour de l'Aiguille du Midi et des Aiguilles de Chamonix de s'élancer au Nord. La Verte, quant à elle, se voit empêtrée dans la nébulosité.

 

 

Sur le ressaut rocheux, le terrain devient plus instable. On se retrouve sur une montagne qui s'effrite petit à petit. Le ciment glaciaire perdant de la superficie d'année en année, les éboulements sont monnaie courante dans la zone. Rendant éphémères les sentiers de la voie normale.

 

 

En milieu d'après midi, on aperçoit le Refuge de Tête Rousse perché sur son promontoire de roche à 3167m. Avant de franchir le petit Glacier de Tête Rousse, un drôle de contrôle va nous être effectué. Sur la rive gauche du glacier, un cabanon de la Brigade Blanche a été édifié il y a quelques années. Cette unité créée en 2019 a pour objectif de vérifier que les alpinistes passent bien la zone avec une réservation de refuge en main. En effet, sur la voie normale du Mont Blanc, sauf à gravir la montagne en une journée, il est obligatoire d'avoir une réservation de refuge. Le bivouac n'est aucunement autorisé sur le Mont Blanc et, au vu de l'affluence, se présenter aux refuges de Tête Rousse ou du Goûter sans réservation n'est pas admis. Cette Brigade Blanche permet donc la régulation de l'accès au Mont Blanc et d'éviter toute ascension inconsciente ou farfelue qui pourrait mettre en danger ses auteurs ou les autres alpinistes en règle.

 

Vue panoramique sur le Glacier de Tête Rousse.

 

Une fois le contrôle douanier effectué, on traverse tranquillement le petit glacier pour atteindre le Refuge situé sur sa rive opposée.

 

Hasard de notre première ascension, nous logerons dans le dortoir ''Balmat'' du Refuge de Tête Rousse, du nom du premier alpiniste ayant gravi le Mont Blanc.

 

 

 

Sur la terrasse du refuge, le cirque glaciaire de Bionnassay se dévoile sous nos yeux. Face à l'inclinaison de ces pentes, on se demande encore comment ces colosses de glaces arrivent à s'ancrer sur la roche. Mais au vu de ce paysage grandiose et chaotique, tant par les purges printanières que par les éboulements, il suffit de tendre l'oreille quelques secondes pour se rendre compte du caractère vivant de cette vue. Il ne se passe pas une minute sans que les glaciers ne craquent, sans qu'un rocher ne tombe. Et c'est justement à l'écho d'un éboulement que toute la terrasse du refuge tournera ses yeux vers l'Aiguille du Goûter.

 

 

Depuis Tête Rousse, on se situe quasiment en dessous de la base de l'Aiguille du Goûter. Son ascension est un incontournable de la voie normale du Mont Blanc tant par l'esthétisme de sa montée que par la réputation de son Grand Couloir.

Le Grand Couloir est l'une des zones les plus dangereuses de la voie normale. Il s'agit d'un goulet partant de la cime de l'Aiguille du Gouter aussi appelé ''Couloir de la Mort'' tant les éboulements sont nombreux et mortels. A l'été 2022, au vu de la canicule et du fort dégel, l'ascension du Mont Blanc par la voie normale a d'ailleurs été interdite à cause de l'instabilité de ce passage. A notre venue, malgré un enneigement plus conséquent en 2023, le Grand Couloir reste très dangereux, notamment une fois le dégel nocturne réduit à néant par les chaleurs estivales.

A chaque son de pierre chutant dans le cirque de Bionnassay, nos yeux se tournent vers ce Grand Couloir. Et alors que quelques alpinistes inconscients tentent encore de le traverser en ce milieu d'après midi, c'est à ce moment là que plusieurs blocs de roches se sont décrochés de la partie haute du couloir emportant avec eux une masse conséquente de neige. Sur la photo du dessus on aperçoit la coulée qui dévale le Grand Couloir et qui s'apprête à balayer le sentier. Par chance, aucune cordée n'est présente dans le couloir à ce moment là, mais on aperçoit tout de même plusieurs personnes patientant que le calme ne revienne sur la montagne pour franchir ce passage, en courant cette fois-ci.

 

Le Grand Couloir au début de l'éboulement puis à la fin de celui-ci.

 

 

Tous les yeux sont rivés sur l'Aiguille du Goûter. Alors que l'éboulement se termine, le fracas de ce dernier a refroidi les esprits : demain, ce sera à notre tour de nous engager dans ce Grand Couloir !

 

 

Après ce brouhaha, le calme revient sur Tête Rousse, on profite ainsi des différentes luminosités au fil des heures sur les glaciers et des nuages caressant plus sensiblement les cimes.

 

Discret halo lumineux depuis la terrasse de Tête Rousse.

 

 

Les nuages viendront signer la fin de la journée pour les alpinistes rêvant de gravir le Mont Blanc. Les journées sont longues en cette fin juin et le réveil matinal pour le lendemain. Vers 17h, les guides se réunissent sur la terrasse pour décider d'un horaire commun pour le petit déjeuner et le départ pour le Mont Blanc. C'est à 3h45 que nous devrons ouvrir les yeux. Le soleil n'est pas encore couché que nous sombrons dans nos dortoirs respectifs.

 

 

Jour 2 : Du Refuge de Tête Rousse au Mont Blanc (et nuit au Refuge du Goûter).

 

Au réveil, il fait encore nuit au-dessus du Massif du Mont Blanc. Il est prévu environ 6h de montée jusqu'au sommet. 2h pour atteindre le Refuge du Goûter et 4h pour relier le Mont Blanc. Un départ nocturne est indispensable tant au niveau de la météo, on évite les éventuels développements nuageux par convection, qu'au niveau du regel qui permet un passage plus serein dans le Grand Couloir.

 

Finis les crocs, on enfile chaussures d'alpinisme, casque, baudrier et frontale. On sent une certaine tension parmi les alpinistes dans la salle à manger du refuge. C'est maintenant ou jamais que nous partons pour le Mont Blanc !

 

En plus des étoiles, les cordées pétillent sur la voie d'accès à l'Aiguille du Goûter.

 

 

 

On lève le camp de Tête Rousse à 4h45. A peine nous arrivons sur les bords du Grand Couloir que le jour se lève déjà au-dessus des Alpes. Par chance, le regel fut significatif cette nuit-là, rassurant ainsi les différentes cordées lors du passage du Grand Couloir. Malgré l'affluence on essaye au mieux de ne pas s'arrêter lors du franchissement du couloir. On passe la goulotte tant redoutée puis on finit sur une rampe à moitié enneigée. Plus qu'à gravir quasiment à la verticale en direction de l'ancien Refuge du Goûter.

La chaîne des Aravis et les Fiz s'élèvent également au-dessus des nuages.

 

De l'Aiguille de Varan au Mont Buet, en passant par le Désert de Platé, les Fiz et les Dents Blanches.

 

L'ascension alterne des passages neigeux et rocheux. On évolue de manière ludique, sans grande difficulté. Le plus compliqué est de garder l'équilibre sur le rocher avec nos crampons.

 

Peu avant 7h, le soleil frappe la cime de l'Aiguille de Bionnassay alors que l'on se situe encore dans l'ombre de celle du Goûter. Sur la droite de l'aiguille : un peu de Beaufortain, un peu de Lauzière et pas mal de Belledonne.

 

 

Sur les coups de 7h on s'extirpe de la face Ouest de l'Aiguille du Goûter et on prend pied sur son arête. De là, une bonne partie du Massif du Mont Blanc se dévoile face à nous du Dôme du Goûter jusqu'à l'Aiguille du Tour en passant par l'Aiguille Verte, Les Droites, l'Aiguille du Midi ou encore le Mont Blanc du Tacul.

 

 

Le ciel alpin est d'une étrange couleur jaunâtre ce jour-là. Il s'agit des particules fines dégagées par les incendies qui sévissaient au Canada depuis plusieurs semaines et notamment au Québec. Grâce au vent d'Ouest, elles ont atteint les côtes atlantiques de l'Europe de l'Ouest la veille et survolent maintenant les Alpes à relativement haute altitude. On les voit d'ailleurs décapiter l'Aiguille Verte 4122m. Cela ne contrarie pas notre ascension du Mont Blanc, même si la vue pendant la montée comme au sommet sera en partie altérée par ce léger voile.

 

On entre dans l'environnement glaciaire par excellence. On perçoit les différentes langues de glaces chuter vers la Vallée de Chamonix. Au premier plan le Glacier de Taconnaz, suivi du Glacier des Bossons.

 

 

 

 

 

On poursuit sur l'arête jusqu'au Refuge du Goûter où nous effectuerons une pause de vingt minutes pour s'hydrater et manger un bout. Le Mont Blanc est encore invisible depuis le refuge, caché par l'immense bosse glaciaire du Dôme du Goûter.

L'élégance de Bionnassay. Deux alpinistes se trouvent près de sa cime.

 

En route pour le Dôme du Goûter.

 

 

Une fois le Refuge du Goûter atteint, on gagne en liberté. Le terrain est vaste, ce qui permet aux cordées soit de se laisser passer devant soit de doubler sans mettre en danger quiconque.

 

Petit regard en arrière sur l'Aiguille du Goûter 3863m. Les Aravis et les Haut-Giffre complètent l'horizon.

 

Les premiers vraies séracs s'élèvent sur le abords de la voie. Au loin, les Dents du Midi marquent l'extrémité Nord du Massif du Haut-Giffre. De l'autre côté du massif, la plaine du Léman semble bien bouchée.

 

Il est 8h08 et nous franchissons les 4000m d'altitude.

 

On dépasse donc rapidement l'Aiguille de Bionnassay qui se métamorphose au fur et à mesure de notre ascension. A sa gauche, les Dômes de Miage.

 

 

On ne grimpera pas entièrement le Dôme du Gouter 4304m, on passera son arête au niveau d'un faux col entre sa cime et la Pointe Bayeux. Depuis ce point, l'objectif se dresse face à nous, enfin !

 

 

Face au Mont Blanc, on se permet une pause pour reprendre des forces, l'ascension est loin d'être terminée, d'autant que jamais dans notre vie nous n'avons atteint une telle altitude. Pour le moment, aucune signe de mal des montagnes. On poursuit tranquillement vers la cime. Encore 600m de dénivelés positifs. Prochain arrêt : l'Abri Vallot.

 

Belle cordée près du Mont Maudit 4465m. On devine la voie d'ascension des Trois Monts sous la rimaye du Mont Maudit.

 

On descend légèrement jusqu'au Col du Goûter avant de grimper à l'Abri Vallot, de là on se situe sur la ligne de frontière séparant l'Italie et la France. On est également rejoint par la voie italienne du Mont Blanc partant du Rifugio Gonella en direction du Piton des Italiens et du Dôme du Goûter.

 

L'Abri Vallot est situé à 4322m d'altitude. Il ne s'agit en aucun cas d'une refuge gardé. Il est strictement destiné aux alpinistes en cas d'urgence. 12 places sont mises à disposition des personnes en difficulté.

 

Après l'Abri Vallot, l'ascension des Bosses se révèlera être le passage le plus difficile de l'ascension du Mont Blanc, tant par l'altitude que par l'inclinaison de la pente.

 

Le passage des cordées a créé un escalier de neige en direction de la Grande Bosse, en direction des 4500m d'altitude.

Panorama du Dôme du Goûter et de l'Abri Vallot. On aperçoit bien la trace principale qui monte vers le Mont Blanc.

 

 

Une fois la Grande et Petite Bosse franchies, il ne nous reste plus que l'arête sommitale du Mont Blanc. Encore 300m de dénivelés positifs. Les premiers effets de l'altitude et de la fatigue se font sentir : légère pression dans le crâne et des jambes de plus en plus lourdes. Mais pas de quoi empêcher notre progression.

 

Sur le versant italien, on peine à voir au-delà des Alpes frontalières. Au premier plan on devine l'Aiguille de Tré la Tête, l'Aiguille des Glaciers et le Petit Mont Blanc. S'en suit les Alpes Grées et on devine légèrement le Massif de la Vanoise.

 

On ne va pas tarder à dépasser le Mont Blanc de Courmayeur 4765m sur la droite.

 

On franchit le Rocher de la Tournette 4677m. Quelques bourrasques tentent de nous déséquilibrer mais des cordées redescendant du sommet nous confirment l'absence de vent au sommet.

 

 

Voici le Mont Blanc.

 

 

A une fine arête enneigée succède un petit plateau, il est 11h20 et nous sommes au sommet du Mont Blanc 4808m. Les alpinistes disaient vrai, peu voire pas de vent sur le toit de l'Europe.

Malgré le voile nuageux, l'immense soulagement d'avoir atteint le sommet se mélange à un peu d'émotion, un peu de joie et, il faut le dire, beaucoup de fierté.

 

 

On se félicite, on se photographie, on remercie le guide de nous avoir amené jusque là et on profite quelques instants. On a peut être encore du mal à réaliser que nous sommes à 4800m d'altitude.

Après avoir oublié ce léger mal de tête quelques minutes au sommet du Mont Blanc, il est temps pour nous d'entreprendre la descente vers le Refuge du Goûter.

 

On inverse le sens de la cordée pour les 1000m de descente en direction du refuge.

 

En plus des poussières des incendies canadiens, on peut deviner des poussières sableuses provenant du Sahara sur les neiges du Massif du Mont Blanc, notamment sur l'arête des Bosses au centre de la photo.

 

Nous l'avons fait ! C'est surement ce que nos yeux devaient partager aux alpinistes qui s'engageaient vers le toit de l'Europe. Certains souriaient, d'autres avaient l'air anxieux voire épuisés. Le Mont Blanc attire mais peu vite rendre fou ceux qui s'obstinent à le gravir. D'ailleurs, le coucou du PGHM rôde dans les environs en cas de difficultés.

 

Au niveau de la Grande Bosse, le chapeau du Mont Blanc se met peu à peu en place sur sa cime. Ce lenticulaire appelé dans la région ''l'Âne du Mont Blanc'' est souvent annonciateur d'un changement de temps.

 

On poursuit notre route dans l'horizon blanc. Malgré l'altitude, la chaleur est assez exceptionnelle sur les pentes du Mont Blanc.

 

Le bonnet du Mont Blanc s'épaissit légèrement au moment de lui dire au revoir au niveau de l'arête du Dôme du Goûter. Pas de chapeau pour le Mont Blanc du Tacul et le Mont Maudit à gauche.

 

On plonge ensuite vers l'Aiguille du Goûter qui réapparait.

 

 

Vers 13h30 nous arrivons au Refuge du Goûter 3835m, le plus haut refuge de France. On est litteralement cuit par 1700m de montée et 1000m de descente, un réveil tôt dans la nuit, un effort à haute altitude et un soleil puissant sur les neiges éternelles du Mont Blanc. Le mal de tête n'a d'ailleurs pas disparu, au contraire, la fatigue l'accentue. On se force à manger un bout, on avale un doliprane puis on file directement faire une sieste de quelques heures dans les dortoirs du refuge en espérant que cela passe.

 

 

 

 

Construit en 2011, le nouveau Refuge du Goûter peut accueillir jusqu'à 120 personnes. Véritable pépite technologique pour une telle altitude, le confort à l'intérieur du bâtiment est remarquable. Mais si haut, tout ne peut pas fonctionner comme en vallée, notamment les sanitaires et le système d'évacuation qui créent une odeur nauséabonde à l'extérieur de l'édifice. C'est la contrepartie au point de vue sensationnel qu'offre cette citadelle alpine.

 

 

 

 

 

 

Vers 17h30, une fois le mal de tête passé, il est temps d'aller profiter de la vue depuis la terrasse du refuge. D'autant qu'une mer de nuages est en train de se former au pied du Massif du Mont Blanc.

 

700m plus bas, le Refuge de Tête Rousse n'a pas cette chance.

 

On repasse à l'intérieur le temps du repas servi à 18h pile avant de ressortir profiter des dernières lueurs.

 

Au Nord-Ouest, le soleil s'affaisse doucement.

 

Si les cimes ne se sont pas parées de couleurs crépusculaires, le ciel, lui, a rajouté sa touche de fantaisie au-dessus du massif.

 

C'est parti pour la plus haute nuitée de France.

 

Jour 3 : Du Refuge de Tête Rousse au Nid d'Aigle.

 

Encore une fois, le réveil matinal est de rigueur pour franchir le Grand Couloir, en sens inverse cette fois-ci. Il est 4h45 et nous sommes fin prêts à dévaler l'Aiguille du Goûter. On ne prend même pas le temps de profiter notre petit déjeuner au refuge. Car en plus de la contrainte du gel, nous avons la contrainte des horaires du Tramway du Mont Blanc. Si nous voulons emprunter celui de 12h, il nous faut partir tôt et vite. D'autant plus que le second petit déjeuner au Refuge du Goûter n'est servi qu'à partir de 7h.

Du fait de la gestion commune des Refuges du Goûter et de Tête Rousse, il est possible, pour les alpinistes, de choisir le lieu du petit déjeuner. Ainsi, nous décidons tout de même de nous rendre à Tête Rousse pour le petit déjeuner de 7h. A 5h15, nous avons donc les crampons aux pieds et c'est avec l'estomac bien vide que nous dévalons les 700m entre les deux refuges.

 

Dernier clin d'oeil sur le Massif du Mont Blanc. Tout au fond de la vallée, Chamonix peine à se réveiller.

 

La Verte et les Droites ont toujours la tête dans la brume.

 

C'est reparti pour le chassé-croisé du Goûter.

 

De timides rayons lumineux finissent pas frapper les cimes du Sud du Massif du Giffre.

 

 

Au moment où nous allions nous élancer sur la traversée du Grand Couloir. L'écho des cris des alpinistes retentit dans la face Ouest de l'Aiguille du Goûter. ''PIERRE'', ''ROCHER'', ''ROCK'' sont les avertissements de ceux d'en haut pour ceux d'en bas qui s'apprêtent à franchir la goulotte. Face à notre cordée, un rocher relativement petit mais aussi rapide qu'une balle de fusil fonce vers l'aval de l'Aiguille. On patiente quelques secondes afin de vérifier que la voie est de nouveau praticable puis on se lance, rapidement, sans broncher pour aller déguster le plus vite possible notre petit déjeuner.

 

On arrive sain et sauf sur le Glacier de Tête Rousse. On souhaite bonne chance du regard aux alpinistes s'engageant sur le passage du Grand Couloir.

 

 

Le temps de se restaurer à Tête Rousse, les brumes semblent s'estomper petit à petit au-dessus des Alpes, laissant les couleurs éclatantes reprendre leur place sur les montagnes des environs.

 

 

On franchit en sens inverse le Glacier de Tête Rousse pour rejoindre l'éperon rocheux. Pour cette courte traversée glaciaire on ne prend pas le temps de s'équiper de crampons ni de s'encorder. Le sentier est bien tracé et les crevasses quasi inexistantes. Ce glacier n'est pas tant dangereux pour les alpinistes mais plutôt pour les habitants en aval. En effet, avec la fonte de ses glaces, une poche d'eau s'était formée dans les années 2000 et a été officiellement détectée en 2010. Cette accumulation d'eau de fonte faisait peser un risque considérable de rupture du glacier et de déversement sur la vallée. Elle a donc été entièrement vidangé pour éviter tout danger et depuis lors, le Glacier de Tête Rousse est équipé de capteurs et d'un système d'alarme en cas de réapparition de cette poche d'eau et d'une éventuelle rupture. Déjà en 1892, la rupture d'un lac sous le glacier avait créé une coulée de lave torrentielle causant la mort de 175 personnes à Saint-Gervais-les-Bains.

Avec le réchauffement climatique, ce style de menace envers les infrastructures humaines et l'environnement présents en aval des glaciers risque d'augmenter dans les Alpes.

 

Après le va-et-vient des alpinistes, le calme revient dans les environs du Refuge de Tête Rousse.

 

Malgré notre descente, on surplombe encore largement la Vallée de l'Arve.

 

 

Depuis le Refuge du Nid d'Aigle, on se permet quelques minutes de contemplation du front glaciaire de Bionnassay. En effet, nous sommes en avance. On se permet même de poursuivre la descente vers le prochain arrêt du Tramway du Mont Blanc, au niveau du Col du Mont Lachat. Il est 11h40 et nous terminons notre expédition du Mont Blanc.

 

 

Gravir le Mont Blanc est une expérience unique : de l'impatience, de l'incertitude, du stress, du monde, des petites nuits, de la contemplation, de la concentration, du calme, de la joie, de la fierté et un peu de sport. Très peu de montagnes dans l'Arc Alpin peuvent procurer autant de sensations. Raconter le Mont Blanc deviendrait presque compliqué voire intime.


ITINÉRAIRE DE LA COURSE : 

 

  • Départ : Terminus du Tramway - km 0
  1. Cabane des Rognes - km 1,2
  2. Glacier de Tête Rousse - km 2,2
  3. Refuge de Tête Rousse (Nuitée 1) - km 2,5
  4. Grand Couloir - km 3,2
  5. Refuge du Goûter (Nuitée 2) - km 3,9
  6. Col du Dôme - km 6,6
  7. Abri Vallot - km 7,3
  8. Arête des Bosses - km 7,9
  9. Le Mont Blanc 4805m - km 8,7
  10. Refuge du Nid d'Aigle - km 17,2
  • Arrivée : Arrêt Col du Mont Lachat - km 18,8
Le Mont Blanc Trace Gpx
Données géographiques – 43,2 KB

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