Via Alpina : de Monaco à Briançon

Au départ de la Cité Monégasque, nous traversons la garrigue des Préalpes de Nice pour atteindre le premier véritable massif alpin : le Mercantour et son Parc National. Peu à peu, nous laissons la Mer Méditerranée se dissimuler dans notre dos avant de nous retrouver au milieu de l'environnement montagnard. Avec le Mercantour, c'est également une traversée du Massif du Pelat, du Chambeyron, d'Escreins et du Queyras qui nous permet de rejoindre les citadelles de Briançon, terminaison de cette première étape de la traversée des Alpes. Pour ces premiers kilomètres dans les Alpes, nous serons loin d'être seuls : marmottes, chamois et bouquetins nous accompagnent sur les sentiers.

Réalisée entre le 05 juillet et le 23 juillet 2021

 

Départ Arrivée Distance Durée Dénivelés positifs Dénivelés négatifs Pays traversés
Monaco Briançon 372km 18 jours 20 810m 19 510m Monaco/France/Italie

La Via Alpina, bien qu'itinéraire alpin de référence, débute paradoxalement au bord de la Mer Méditerranée. Les premiers pas s'effectuent dans l'une des zones les plus denses et les plus riches du continent européen : la cité monégasque. La marche commence donc étrangement dans le brouhaha et la chaleur de la ville côtière. Nous nous efforçons de nous extirper rapidement de cet environnement urbain. Non sans mal tant les ruelles de cette cité qui se cramponne à la montagne sont nombreuses et sinueuses. Ces dernières prenant la forme de la montagne plongeant dans la Méditerranée et contournant chacun des immeubles construits presque les uns sur les autres : grands ensembles, gratte-ciels, hôtels de luxe, villas privées. Le paysage alpin est quasiment absent et pourtant les Alpes sont bien là, sous nos pieds et sous le goudron. Il suffit de regarder vers les terres pour s'apercevoir que la chaîne de montagnes démarre bel et bien sa route vers le Nord, vers la France.

Vue sur le Rocher depuis le continent.

Les pentes monégasques depuis le Rocher.

 

 

 

Au-delà de l'ambiance, les premiers mètres sont également éprouvants du fait de la chaleur estivale et du poids de nos sacs. Nos corps ne sont pas encore pleinement habitués à porter un tel poids : une quinzaine de kilos. Résultat ? Trois litres d'eau bus en même pas 45min de marche. Notre passage sur la Côte d'Azur sera bref mais intense.

Gratte-ciel monégasque.

 

Rapidement, les premières centaines de mètres nous font passer la frontière française au beau milieu d'une rue, sans que l'on s'en rende compte réellement. Le panneau indiquant l'entrée dans la ville de Monaco en est l'unique preuve. C'est donc sans avoir eu la chance d'apercevoir Charlène et Albert que nous quittons cette ville. Puis, plus nous montons, plus les immeubles laissent place aux maisons qui elles-mêmes laissent place à un peu de végétation. La garrigue se fraie peu à peu un chemin entre les constructions humaines. C'est la première forêt alpine que nous côtoierons.

Monaco et le Rocher depuis les premières pentes françaises.

 

C'est ainsi que démarre la traversée de notre premier massif alpin : les Préalpes de Nice. Massif relativement peu élevé, coincé entre la mer et le Mercantour. Mercantour que nous devrions atteindre en trois jours, sans trop nous presser, en suivant le GR52. Passer l'arête au-dessus de Monaco et notre premier col, le bien nommé Col de Guerre, l'itinéraire relie différents petits villages typiquement provençaux. Nous avons encore du mal à réaliser que nous accomplissons la traversée des Alpes tant la chaleur, le relief et la végétation sont différents de ce que nous avons l'habitude de voir près de Grenoble.

 

Traversée de la garrigue entre Monaco et Peillon.

Nos premières nuits sont chaudes, les duvets ne servent quasiment pas et contre toute attente, l'eau n'est pas si difficile à trouver : abreuvoirs, fontaines publiques dans les villages et même sources naturelles. Un jour, nous nous sommes même ravitaillés en eau dans un cimetière. Ainsi, nous nous décrassons tous les soirs de toute cette transpiration avec une bonne douche afin de profiter d'une nuit sous un ciel étoilé ou sous les oliviers.

Le petit village de Peillon.

Bivouac près du Col du Farguet.

La faune n'est pas totalement absente de ces espaces arides et plutôt urbanisés par endroit. Il n'est pas rare de se faire réveiller par les aboiements d'un chevreuil. Parce que oui, les chevreuils aboient ! Ou encore de mettre du temps à s'endormir tant les croassements des corbeaux résonnent dans les petits vallons de l'arrière-pays provençal. Mais parfois, l'originalité se dévoile face à nous.

Une couleuvre grimpant dans les branches au Col du Farguet.

 

 

Doucement mais sûrement, nous atteignons la ville de Sospel qui constituera le véritable point de départ de la traversée des Alpes puisqu'elle se situe au pied du Parc National du Mercantour. C'est en arpentant les premières pentes de ce massif que l'espace alpin s'invite face à nous, les sapins et les mélèzes remplacent les chênes verts et les oliviers. Le soleil se fait davantage cacher par la nébulosité en fin de journée mais la mer, elle, refait une apparition dans notre dos. Un paysage s'étendant de la Métropole de Nice à la frontière franco-italienne en passant, lors des journées les plus claires, par une apparition furtive des montagnes corses au large de nos côtes.

Entrée dans la vieille ville de Sospel.

Nuages caressant les cimes des Préalpes de Nice.

 

Le Mercantour nous offre la grêle.

Nos premiers pas en terrain montagnard sont également l'occasion pour nous de nous frotter à nos premières turbulences météorologiques. En l'espace de quelques dizaines de minutes, un temps ensoleillé et lourd peut laisser place à un brouillard dense où gronde au loin l'orage qui viendra nous frapper quelques instants plus tard.

Heureusement, à cette période, les intempéries estivales sont souvent de courte durée. C'est ainsi le seul orage que nous affronterons lors de notre traversée du Massif du Mercantour.

 

Entrée dans le Parc National du Mercantour.

 

Jeune chamois près de la Baisse de Valmasque.

 

 

 

Le Parc National du Mercantour est un des trois parcs présents dans les Alpes françaises avec celui des Écrins et de la Vanoise. Il s'étend sur deux départements à savoir les Alpes-Maritimes et les Alpes de Haute-Provence. Il inclut également une partie du Massif du Pelat dans sa partie Nord. Sur la frontière, il fusionne du côté italien avec le Parco Naturale delle Alpi Marittime. Un jumelage des deux parcs est d'ailleurs établi en 1987, ce qui permet un suivi plus rigoureux des espèces. Par exemple, c'est par le Mercantour que le loup a fait sa réapparition sur le territoire français au début des années 1990. La collaboration entre ces deux espaces protégés est également nécessaire au vu des migrations des espèces qui s'effectuent année après année. Si le loup n'effectue plus ce trajet, puisqu'étant présent sur la quasi totalité du territoire français, les bouquetins passent l'hiver du côté italien tandis que les mouflons font le trajet inverse.

Vous l'aurez compris, une des spécificités du Parc National du Mercantour est sa faune. Ces montagnes sont un véritable zoo à ciel ouvert. Bouquetins, chamois, marmottes et volatiles partagent cet espace avec les randonneurs. Grâce à la protection que confère le parc et par l'affluence qu'il engendre, les animaux sont, pour la plupart, peu farouches envers l'être humain, leur curiosité l'emportant sur leur peur.

 

 

En plus des animaux, les premiers kilomètres dans le Parc National du Mercantour nous font traverser une zone unique dans les Alpes : la Vallée des Merveilles. Et comme son nom l'indique, les paysages montagnards sont au rendez-vous avec de nombreux lacs et les premiers sommets alpins dépassant les 2000m d'altitude. Mais dans cette vallée, en plus de lever les yeux pour contempler le paysage il faut penser à les baisser, le sol, et plus particulièrement la roche de ces lieux regorgeant de trésors.

 

En direction de l'Italie, vue aérienne du Lac Long Supérieur.

 

 

En passant le Pas du Diable, on pénètre dans la Vallée des Merveilles. Cette vallée est encadrée par des montagnes imposantes et est constellée de lacs. C'est également une réserve dans la réserve car la législation du Parc National du Mercantour y est renforcé : interdiction du bivouac, interdiction d'utiliser les bâtons. Et ce, pour une raison bien particulière que nous étudierons juste après.

 

 

Lac de la Muta face au Mont Bégo.

Sur tout un pan de la montagne, on peut apercevoir de nombreuses gravures rupestres datant de l'âge du Cuivre et du Bronze. Selon les recensements effectués, il y aurait pas moins de 40 000 gravures réparties sur le site et spécifiquement présentes sur cette roche orangée. On y aperçoit notamment ce qu'on appelle des ''corniformes'' représentant probablement le bétail de l'époque, ou encore des outils tels que des poignards, des vases et des paniers. Le mystère est encore entier quant à la signification de ces gravures à cet endroit spécifique : préoccupations de l'époque ? passe-temps pour les bergers présents dans ces montagnes ? Personne n'est encore sûr de quoique ce soit. De plus, cette Vallée des Merveilles se situe au pied du Mont Bégo, montagne dite sacrée, ''beg'' signifiant ''seigneur divin''. Son image de montagne sacrée était renforcée à l'époque des gravures par le micro-climat entourant ce sommet. En effet, sa roche composée de nombreux métaux et sa proximité avec la Mer Méditerranée en font un lieu propice à une forte activité électrique lors des épisodes orageux.

Gravure intitulée ''Le Christ''.

Cependant, faute de budget, ce lieu n'est plus vraiment étudié par les chercheurs. Les dégradations, fruits de nombre d'abrutis arpentant ces montagnes, ont conduit le Parc National du Mercantour à interdire l'accès à cette zone qui se situe principalement hors sentier. Pourtant, le trésor est bel et bien là, sous nos pieds, une partie de l'histoire de nos ancêtres présents dans ces montagnes il y a 4 000 ans de cela. Un gardien du parc nous confiait même que certaines gravures représentaient par endroit l'époque médiévale ou encore l'influence du catholicisme dans cette région. Ainsi toutes les époques seraient représentées sur cette montagne, véritable carrefour de l'Histoire.

Pour ma part, s'il fallait bien faire une hypothèse à la ''Da Vinci Code'' sur la présence de ces gravures au pied de cette montagne sacrée, ce serait la suivante : il s'agirait d'offrandes des bergers et/ou des habitants de l'époque envers leur divinité (la montagne), ce qui expliquerait le bétail avec les outils de mise à mort ou encore les quelques richesses qu'ils possédaient telles que les vases.

 

 

 

Après cette parenthèse géologique et historique, nous poursuivons la traversée du Mercantour sous un beau soleil le matin, et sous un ciel qui se charge en nébulosité l'après midi sans pour autant atteindre le stade de l'intempérie. Nous enchaînons les cols et profitons du cadre sauvage qu'offre ce parc. Et même si cet espace est protégé, il est possible d'y bivouaquer à l'exception de la réserve des Merveilles.

 

 

 

Petit déjeuner sur les bords du Lac de Basto.

Ascension du Pas du Mont Colomb et Refuge de Nice.

 

À à peine une quarantaine de kilomètres de la mer à vol d'oiseau, on est littéralement saisi par l'ambiance alpine au coeur de ces montagnes. Les cols nous font avoisiner les 2700m alors que trois jours auparavant nous étions à 500m et nous surplombions la Côte d'Azur. Le changement est radical, de même que la température des douches ! Et pourtant, l'influence méditerranéenne a forgé le paysage de ce massif. Par sa position méridionale, il n'y a plus de glaciers sur ce territoire alors même que son point culminant côté français, la Cime du Gélas, dépasse les 3000m d'altitude. Ce massif est également beaucoup plus sec que ses voisins du Nord même si les épisodes méditerranéens y sont parfois violents.

A gauche la Cime du Gélas 3143m et à droite la Cime de la Malédie 3061m.

Le Lac de Trécolpas depuis le Pas des Ladres.

En prenant de la hauteur, la Provence n'est jamais bien loin.

Les Caïres de la Cougourde.

 

Contrairement à la nébulosité, la faune, elle, reste constante sur la traversée du massif. Les chamois pâturent dans les alpages alors que les bouquetins flânent sur la face ensoleillée des cols.

 

Pour se ravitailler, il nous a fallu redescendre dans le fond de la vallée et donc sortir du Parc National. C'est alors que nous avons été les témoins de la violence et de la brutalité de la montagne. Le paysage grandiose des alpages et des pierriers du Mercantour laisse place à la désolation et à la ruine une fois dans la Vallée du Boréon. C'est en effet dans cette vallée que la Tempête Alex d'octobre 2020 a fait les plus gros dégâts. Le bilan matériel et humain a été extrêmement lourd et les cicatrices laissées par ces intempéries sont encore pleinement visibles. Lors de cet épisode météorologique, plusieurs vallées des environs ont été touchées : la Vallée de la Roya, la Vallée de la Tinée et enfin la Vallée de la Vésubie, où nous nous rendons. Le village de Saint-Martin Vésubie se remet à peine de cette tempête au moment où nous foulons ses routes et ses ponts encore en travaux. Tragiquement, la montagne rappelle de temps à autre qu'elle ne peut être domptée par des digues, des ponts et des barrages. Ce n'est pas moins de 10 ans qu'il faudra à la Vallée de la Vésubie pour reconstruire, en partie, ce que la Tempête Alex a balayé en quelques minutes.

Torrent de pierres laissé par la Tempête Alex.

Maison suspendue au dessus de ce qui est, aujourd'hui, l'entrée de Saint-Martin Vésubie.

 

Du fait de sa forme allongée le long de la frontière franco-italienne, nous retournons dans le Parc National du Mercantour pour quelques jours supplémentaires. En reliant la Vallée de la Vésubie avec celle de la Tinée via le GR52A, nous accédons à un autre sous-massif du parc, celui où s'érige le Mont Mounier, notre prochain objectif.

 

Descente sur la Vallée de la Tinée.

 

 

 

C'est par une journée sableuse que nous marcherons au coeur du plus grand mélézin d'Europe : la Forêt de la Fracha, au dessus de Saint-Sauveur sur Tinée. Le Mélèze est le seul conifère à perdre ses épines à l'automne. Ceci lui permet d'avoir un avantage en concentrant sa sève sur ses branches et son tronc lors de la période hivernale le rendant ainsi très résistant aux températures glaciales qui règnent dans l'espace montagnard. Cependant, c'est également un inconvénient pour cette espèce puisque son feuillage faiblement densifié le rend vulnérable face aux sapins, épicéas ou pins qui peuvent, s'ils sont trop nombreux, étouffer le mélèze. C'est pourquoi cette forêt fait l'objet d'un entretien régulier de la part des services de l'Organisme National des Forêts afin de ''nettoyer'' le sous bois et faire en sorte que le mélèze reste prédominant. On peut se demander à juste titre : Pourquoi ne pas laisser la nature faire ? L'argument favorisant l'entretien de cette forêt tient au fait que le mélézin est au coeur d'un écosystème fragile tant au niveau de la flore du sous bois que de la faune qui y réside, notamment les volatiles et les cervidés.

 

Sur cette partie de l'itinéraire, la faune sauvage se fait moins présente, ou du moins, moins visible. Elle se cantonne notamment au ciel avec des bals de vautours fauves survolant les vastes plateaux. Le bétail fait son retour en force via les immenses troupeaux de moutons qui ont l'avantage, ou l'inconvénient, cela dépend du point de vue, d'attirer une des bêtes phares du Mercantour : le loup. C'est par une nuit orageuse, qu'aux alentours de 4h00 du matin, entre deux averses, nous nous faisons réveiller soudainement par plusieurs hurlements de loup. Quelle expérience ! Une drôle de sensation nous envahit. Ce n'est pas de la peur mais plutôt de l'excitation d'avoir pu entendre ce bruit qui résonne dans la forêt environnante. Nous n'étions pas surpris, le lendemain matin, de voir descendre de la montagne le troupeau de moutons qui a dû être le théâtre de l'attaque durant la nuit.

 

Plateaux près du Refuge de Longon avec le Mont Mounier au fond.

 

Sur les arêtes basses du Mont Mounier.

 

 

Au début de l'aventure, nous avions en tête de grands projets pour ce grand périple. Notamment l'ascension de quelques sommets emblématiques présents près de notre itinéraire. Dans le Sud de la France, nous étions en capacité de nous atteler à cette mission en gravissant par exemple le Mont Mounier. Mais la suite de l'aventure dans les Alpes du Nord puis dans les autres pays nous a vite ramené à la réalité : une traversée des Alpes ne s'effectue pas par les sommets. Et il ne faut pas trop se mettre de défis en plus de celle-ci au risque de perdre du temps et de l'énergie.

Qu'importe en cette mi-juillet, le temps est radieux, nos jambes sont encore fraîches et notre mental au top. Nous décidons de gravir le Mont Mounier : premier sommet de cette Via Alpina.

Panorama depuis l'arête menant au Mont Mounier 2817m.

 

C'est l'un des derniers sommets du Massif du Mercantour. Après lui, quelques cols et une vallée nous conduisent vers le Massif du Pelat, tout en restant dans le Parc National. Nous guettons l'orage et nous l'évitons de justesse, ce qui nous permet de contempler, au loin, les nuages déversant leur humidité sur les montagnes du coin.

 

Entre la Baisse de Barel et le Col de Pal.

 

 

A plus de 2000m, les nuits restent fraiches, même l'été (bivouac au Col de Pal).

 

Après une halte au petit village d'Entraunes où nous dégusterons un magnifique steak-frites pour la fête nationale, nos pas nous conduisent au coeur du Massif du Pelat où se situe l'un des plus beaux lacs des Alpes françaises : le Lac d'Allos. Mais avant cela il nous faut gravir les pans abrupts de ce massif, ce lac se trouvant au coeur d'un cirque minéral délimité par une barrière rocheuse de plusieurs centaines de mètres de haut.

 

Le sentier en balcons sous la Grande Tour et la Montagne de l'Avalanche effectue une traversée entre le Col des Champs et le Pas du Lausson. Ce sentier est peu balisé et se trouve par moment assez escarpé.

 

Une fois cette barrière de roches franchie, au niveau du Pas du Lausson et de son petit lac, quelques pas en avant nous font découvrir l'immensité du Lac d'Allos. Ce lac a beau se situer dans une des parties les plus sèches de l'arc alpin, il correspond au plus grand lac naturel d'altitude d'Europe étant perché à 2230m et sa superficie mesurant pas moins de 60 hectares. Son cadre et sa couleur le rendent encore plus imposant, même vu de haut.

 

Nous franchirons par la suite les routes de deux des plus importants cols routiers des Alpes du Sud : le Col de la Cayolle et le Col de la Bonnette. Ceci, tout en restant dans un milieu de haute montagne. Par moment, nous nous trouvons sur le GR5, sentier qui permet de relier Nice au Léman en traversant du Sud au Nord (ou inversement) les Alpes françaises. C'est d'ailleurs sur celui-ci que nous passerons une nuit pas comme les autres. Première nuit que nous n'effectuerons pas sous la tente depuis notre départ. Un berger a eu la magnifique idée de laisser sa bergerie ouverte aux randonneurs. Bien que l'équipement y soit rudimentaire, la présence de cette cabane de montagne peut être une solution de secours lorsque le temps tourne à l'orage.

Chevreuil sous le Col de la Cayolle.

Un orage éclate près des ruines militaires du Camp des Fourches (route du Col de la Bonnette). Il ne nous reste plus qu'un petit col à franchir pour accéder à la cabane (que l'on aperçoit furtivement au centre de la photo de droite.

 

Cette bergerie se trouve en aval du Pas de la Cavale. Elle ne possède pas de couchage, seulement une table et quelques bancs. Cependant, au vu de l'instabilité de la météo, nous décidons tout de même de dormir à l'intérieur. Ainsi de gros sacs de sel, destinés au bétail des alpages, nous servirons de double matelas pour cette nuit abritée. Seul bémol de cet endroit : l'absence d'eau. Tout est bon dans ces cas-là pour récupérer un maximum d'eau afin de s'hydrater, se nourrir ou même se doucher : mettre les gourdes sous les gouttières ou alors se déshabiller et attendre que la pluie soit assez forte pour que l'on puisse se rincer avec. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait, à l'exception près que la pluie a cessé de tomber au moment où nous enlevions nos vêtements. Par chance, la pluie a créé, non loin du cabanon, un petit ruisseau éphémère nous permettant d'avoir assez d'eau pour la douche et les repas.

La bergerie et le Pas de la Cavale au dessus.

 

Les derniers kilomètres dans le Parc National du Mercantour se feront par le franchissement du Pas de la Cavale 2673m, point le plus haut du GR5 mais en rien le point culminant de notre Via Alpina. De l'autre côté, on plonge sur une vallée parsemée de lacs avant que cette dernière nous fasse basculer dans le Massif du Chambeyron et dans le département des Alpes de Haute-Provence.

 

 

 

 

Alors que la nuit à la bergerie de la Cavale a été écourtée par les va-et-vient du ratounet près de nos affaires, c'est au tour d'autres rongeurs de nous réveiller dans la longue descente nous conduisant jusqu'au village de Larche. Les marmottes sont en nombre dans cette vallée et tapent parfois la pose pour le plus grand plaisir des randonneurs.

 

 

 

Il nous a toujours paru étrange que les marmottes ne nous regardent que très peu de face. Or pendant le périple, nous avons appris que, bien qu'elles aient une relative mauvaise vue, elles peuvent voir à 300° autour d'elles. Donc sur la photo ci-dessus, elle est bel et bien en train de nous scruter.

Lac du Lauzanier.

 

Il nous aura fallu une dizaine de jours pour relier les deux extrémités du Parc National du Mercantour : de Sospel au petit village de Larche. Le massif que nous nous apprêtons à traverser est bien moins connu. Le Massif du Chambeyron est un massif transfrontalier puisqu'en partie situé en France et en Italie. Il est coincé entre le Parc National du Mercantour au Sud et le Parc Naturel Régional du Queyras au Nord. Son déficit de notoriété n'est pourtant pas un inconvénient, le rendant davantage sauvage et escarpé que les autres massifs. Ce massif a été la révélation des Alpes françaises tant par sa géologie dolomitique que par ses lacs aux couleurs changeantes en fonction du temps. Le Massif du Chambeyron n'est pas très vaste côté français. Une journée et demi nous aura suffit pour traverser cette petite perle des Alpes du Sud.

Le premier 3000 nous fait face : le Monte Vallonasso 3034m.

Le bien asséché Lac de Viraysse. Lac qui nous servira de réservoir d'eau potable et de baignoire le temps d'une soirée.

 

 

 

Après ce bivouac, nous décidons de partir brièvement du côté italien par le Col de Sautron. C'est à partir de ce col que nous nous rendrons compte du relief abrupt de ce massif.

 

 

 

 

Petit marmottons en montant au Col de Sautron.

 

Arrivés en Italie, nous nous dirigeons vers le premier col étranger : La Forcellina. Quelques chaînes aidant à l'ascension de ce col. L'ambiance alpine est totale.

L'autre versant du col. Au fond à droite, le Brec de Chambeyron.

Paysage minéral depuis La Forcellina avec notamment la Tête de l'Oronaye.

 

 

 

Cette randonnée au coeur du Massif du Chambeyron nous amène vers une petite merveille glaciaire située sous le point culminant du massif : l'Aiguille de Chambeyron 3412m. Nous repassons côté français et le grand Lac des Neuf Couleurs comble le fond du vallon entre le col où nous nous trouvons et l'Aiguille.

 

 

 

Sur le versant italien du Col de la Gypière.

Le Lac des Neuf Couleurs sous l'Aiguille de Chambeyron 3412m.

 

Son appellation de ''Lac des Neuf Couleurs'' serait en réalité une déformation linguistique effectuée lors de l'écriture des cartes topographiques. Son ancien nom étant ''Lac des Neuf Couloirs'' en raison des nombreuses avalanches se déclenchant sur les parois de l'Aiguille de Chambeyron.

 

Le Brec de Chambeyron 3389m domine également ce lac.

 

Le temps est changeant. On alterne de belles éclaircies et des passages nuageux. Au niveau du Lac des Neuf Couleurs nous étions supposés retourner côté italien. Cependant, le col permettant ce basculement chez nos confrères latins s'est révélé trop exposé pour que nous l'empruntions. Le Passo Terre Nere, à 3035m, est beaucoup plus vertigineux sur son versant Est, à la limite du rappel, avec de longues chaînes métalliques dégringolant du col. Après une tentative, nous avons trouvé plus raisonnable de passer par un autre chemin pour atterrir dans la Vallée de l'Ubaye. Le Pas de la Sauvagea, au-dessus du Refuge du Chambeyron, s'est révélé être une bonne alternative pour quitter ce massif qui mérite définitivement le détour.

 

Ce passage était la partie la plus simple du Passo Terre Nere (appelé Col de l'Infernet sur son côté français).

 

Le couloir du Passo Terre Nere. Nos gros sacs à dos sont un inconvénient dans ce genre de situation.

 

Il est important de préciser que l'itinéraire dans le Massif du Chambeyron ne fait partie d'aucun itinéraire de Via Alpina ni même du GR5. C'est un passage totalement construit et improvisé pour découvrir ces montagnes.

 

Le franchissement du Pas de la Sauvagea nous permet de contempler le Chambeyron au Sud et le Massif d'Escreins au Nord.

 

Ce bref passage dans les Alpes de Haute-Provence nous amène à la seconde zone naturelle protégée : le Parc Naturel Régional du Queyras. Ce dernier regroupe deux massifs, à savoir le Massif d'Escreins et le Massif du Queyras. Il constituera nos dernières montagnes avant le plongeon sur Briançon. Ce parc est traversé par les grands itinéraires alpins que sont la Via Alpina rouge et le GR5. Or, dans le but d'en voir davantage de ces deux massifs, nous effectuerons une partie du GR58, le Tour du Queyras.

L'entrée dans ce parc se fait par l'ascension du Col Girardin, à son extrémité Sud. De là, le parc révèle son premier joyau : le Lac Sainte-Anne.

 

Véritable pot de peinture sous les Pics de la Font Sancte.

 

Descente sur Ceillac par le Pas des Barres.

On enchaîne les massifs, cols et plateaux, mais depuis quelques jours nous faisons face à la première difficulté concernant notre matériel. Les chaussures d'Estebane sont en train de le lâcher. Un crampon arraché dès le cinquième jour de l'aventure a peu à peu détérioré l'ensemble de la semelle de sa chaussure. Il est plus qu'obligatoire que l'on trouve un moyen de changer sa paire au plus vite pour profiter et continuer le périple. Il a fallu atteindre le village de Ceillac pour avoir l'occasion de changer cette paire de chaussure qui s'est révélée d'une qualité minable. C'est donc avec des souliers tout neufs qu'il va pouvoir continuer le GR58 et découvrir l'univers minéral queyrassin.

 

 

L'orage de la nuit a nettoyé le ciel et saupoudré les sommets de quelques centimètres de grêle. En descendant le Col des Estronques, le seigneur des lieux pointe le bout de son nez : c'est le Mont Viso 3841m (tout à gauche sur la photo ci-dessus). C'est le plus haut sommet des Alpes du Sud, situé en Italie, il domine ses autres voisins de plus de 500m. Les Romains le prénommaient d'ailleurs Vesulus, signifiant ''mont visible''. Son imposante cime nous accompagnera lors de notre Tour du Queyras, encore faut-il que les nuages le laissent à découvert, la nébulosité étant facilement agrippée à ce sommet du fait de sa position méridionale conjuguée à une altitude élevée.

 

Le GR58 sera l'occasion d'aller tâter les 3000m d'altitude à deux reprises avec l'ascension de deux sommets : le Pic de Caramantran et le Pain de Sucre. Par des vallées déjà assez élevées, l'ascension des sommets du Parc Naturel Régional du Queyras est plutôt aisée et permet une vue sensationnelle sur les Alpes françaises et italiennes.

 

On passe sous deux sommets phares de parc : la Tête des Toillies et la Rocca Bianca.

Panorama depuis le Pic de Caramantran 3025m : Du Pic de Rochebrune au Mont Viso en passant par la route du Col Agnel, les Crêtes de la Taillante, le Pain de Sucre et le Pic d'Asti.

 

Le deuxième jour dans le Massif d'Escreins sera pour nous l'occasion de bivouaquer à plus de 2700m et de profiter de notre premier coucher de soleil sur les Alpes. La cime pyramidale du Pain de Sucre 3208m nous dominera avant que l'on s'attelle, le lendemain, à la gravir .

Plusieurs montagnes dans les Alpes et même dans le monde se nomment ''Pain de Sucre''. On pense bien évidemment à la montagne conique près de Rio de Janeiro. Ce nom est donné aux montagnes ayant justement la forme d'un pain de sucre. Ce dernier était notamment utilisé jusqu'à la fin du XIXème siècle pour transporter le sucre de canne en bateau. Il s'agissait de gros moules en argile arrondis au sommet. Depuis notre bivouac, le Pain de Sucre n'est en rien arrondi et son ascension semble escarpée. Et pourtant, plusieurs sentiers sur sa face française permettent une ascension dans de bonnes conditions.

 

Coucher de soleil entre le Col Agnel et le Col Vieux.

 

L'ascension du Pain de Sucre est un crochet sur notre itinéraire. Il va falloir gravir la montagne puis redescendre par le même sentier pour ensuite continuer notre chemin. Un réveil matinal sera organisé pour profiter de bonnes conditions météorologiques et pour avoir le temps d'enchainer une belle étape à la suite de cette ascension.

 

Montée au-dessus du Col Agnel et vue sur le Lac Foréant.

 

Panorama depuis le sommet du Pain de Sucre en direction du Nord-Est : à gauche le Massif des Ecrins au loin, suivi du Pic de Rochebrune, du Lac Foréant et des Arêtes de la Taillante au premier plan.

 

Coté italien, le Mont Viso et le Pic d'Asti à gauche s'imposent dans le paysage.

 

 

 

 

 

 

 

Comme on peut le voir sur les panoramas précédents, le côté italien des Alpes est souvent en proie à une forte nébulosité. Ce phénomène a un nom en Italie, il s'agit de la Nebbia. L'humidité de la plaine du Pô alliée à la chaleur estivale dans cette région est propice à la formation d'un brouillard venant se coller au relief frontalier. Parfois sous forme de mer de nuages, parfois sous forme de cumulus cachant les sommets environnants, la Nebbia est typique de cette région transfrontalière. Pendant l'été, elle apparait en moyenne un jour sur trois lorsqu'il fait beau. C'est un phénomène météorologique éphémère puisqu'elle se forme aux alentours de 10h du matin et se dissipe en fin de journée lorsque les températures ne permettent plus l'évaporation dans le bassin fluvial italien. D'où l'importance de se lever assez tôt avant de gravir les sommets à cheval sur la France et l'Italie.

 

 

 

 

 

 

Vue depuis un drone côté italien, la forme du Pain de Sucre est totalement différente et beaucoup plus abrupte.

 

Il nous faut maintenant nous diriger vers le Massif du Queyras, géologiquement situé de l'autre côté de la Vallée du Guil. C'est la dernière barrière montagneuse nous séparant de la fin de notre première étape de cette Via Alpina.

 

Le Pain de Sucre depuis le Lac Foréant.

Les alpages grillés d'Abriès.

Le Lac du Grand Laus.

Derrière le Grand Laus, le Massif du Chambeyron et d'Escreins.

 

La dernière ascension se fait par le Col du Petit Malrif, en amont du Lac du Grand Laus. De ce col, on peut retracer l'itinéraire effectué depuis plusieurs jours. En arrière-plan, au centre, on aperçoit le Massif du Chambeyron et à droite les Pics de la Font Sancte, montagne surplombant le Lac Sainte-Anne.

Après ce col, une longue descente nous fait côtoyer pierriers, alpages, villages et enfin espace urbain. Briançon sera la terminaison de ces 18 premiers jours de Via Alpina. L'occasion pour nous de profiter de notre premier jour de repos avant de reprendre la traversée vers le Nord.

 

Panorama depuis le Col du Petit Malrif entre le Petit Rochebrune et le Grand Glaiza. Au fond, le Parc National des Ecrins.

 

Le Pic de Rochebrune 3320m, point culminant du Massif du Queyras.

Alpages des Fonts de Cervière.

 

 

Le village de Cervières.

 

 

Sur plus de 350km, nous avons zigzagué librement entre les frontières italiennes et françaises. Signe des progrès effectués depuis des décennies dans les relations entre les deux pays aujourd'hui amis. Le chemin emprunté porte pourtant toujours les traces d'un passé troublé et violent entre la France et l'Italie avec nombre de bunkers militaires, de fortifications sans parler des citadelles de la ville de Briançon. Ces complexes militaires faisant partie de ce qui était appelé à l'époque de l'entre-deux-guerres comme la ''Ligne Alpine'', portion Sud de la Ligne Maginot traversant les Alpes du Nord au Sud.

D'ailleurs, lors de notre descente vers le terminus de l'étape, nous traversons le village de Cervières. Petit village pastoral au début du XXème siècle, ce village a été le témoin d'atrocités pendant la Seconde Guerre mondiale où il fut incendié et rasé par l'armée allemande lors de la libération du Briançonnais entre août et septembre 1944. L'armée allemande jeta des bombes incendiaires depuis les crêtes surplombant le village détruisant ainsi 90% de ce petit hameau aujourd'hui bien paisible.

 

 

Anciens bunkers militaires surveillant la frontière franco-italienne qui s'établissait avant les deux guerres mondiales ici-même. Aujourd'hui, elle se situe quelques kilomètres plus à l'Est.

 

En vous rendant dans la ville de Briançon, vous serez charmés par les différentes citadelles qui dominent la vallée et la partie moderne de cette cité. Au coeur de celles-ci, une ambiance festive règne et les ruelles des fortifications construites par Vauban cachent de nombreux petits restaurants qui sauront ravir vos papilles des spécialités locales et alpines. Personne ne vous jugera si vous craquez pour une raclette ou une fondue en plein mois de juillet.

 

C'est donc dans cette cité alpine perchée à 1300m que nous terminons l'étape 1 de la Via Alpina. Majoritairement sur la partie française des Alpes du Sud, nous avons voyagé entre mer et montagne, les paysages d'une diversité incroyable se succédant sous nos yeux. C'est progressivement et calmement que nous avons traversé des zones qui ont été le théâtre de catastrophes passées et récentes : guerres, rivalités, intempéries, éboulements sont aussi caractéristiques de cette partie des Alpes. Elles sont visibles, elles font partie de l'histoire de ce territoire et permettent aux randonneurs que nous sommes d'être conscients des contrastes qui forgent ces montagnes. Brutalité et beauté nous ont suivi tout au long de cette étape. Nous avons effectué un peu plus de la moitié de la traversée des Alpes françaises. Après les Alpes du Sud, c'est donc au tour des Alpes du Nord de nous régaler.


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