- Le Roc Cornafion 2049m en boucle par le Sentier Gobert et le Sentier des Deux Cols

Publié le 2 décembre 2024 à 22:44

Réalisée le 01 décembre 2024

 

La neige tarde à envahir les cimes des Préalpes françaises en ce début d’hiver 2024. La totalité des sentiers est encore praticable dans les Massifs du Vercors et de la Chartreuse et notamment les fameux sangles. Ces mystérieux sentiers cachés dans les parois et les versants abrupts de la Chartreuse et du Vercors, alternant vires vertigineuses et traversées de couloirs d’avalanches, font la renommée du caractère sauvage et alpin de ces massifs calcaires. 

Tout comme les Hauts de Chartreuse, la barrière orientale du Vercors en est truffée. Notamment présents sur son versant Est, la plupart de ces sentes relient les nombreux pas et cols qui découpent cette muraille vertacomicorienne. Plus ou moins vertigineuses, plus ou moins tracées, plus ou moins connues, ces petites vires permettent de s’échapper des gros sentiers et des foules qui les arpentent. Encore faut-il les trouver et y aller à la bonne saison.  L’hiver, face à la verticalité des lieux que ces sentiers traversent, il est quasiment impossible de s’y rendre sans se mettre en danger. L’absence de neige dans les Préalpes rend donc encore accessibles ces sentiers alors même que l'hiver météorologique est déjà bien entamé.

Tandis que le versant Ouest de la barrière du Vercors est plus débonnaire que son flanc Est fait de parois et de pierriers, peu de sommets de ce massif sont uniquement atteignables par ces vires. C’est le cas du Roc Cornafion, surplombant Villard-de-Lans de sa cime élancée, dont le sentier d’accès est présent sur le versant Est, en amont de la commune de St-Paul de Varces. Pour y accéder, une longue vire reliant le Col de l’Arc et le Col Vert zigzague entre gradins herbeux et petits couloirs rocheux. Cette vire, aussi appelée Sentier des Deux Cols, n’est pas la plus abrupte ni la plus discrète du Vercors, mais elle constitue l’unique sentier randonnable pour atteindre le Roc Cornafion. 

Pour se rendre sur ce sommet et depuis les plateaux du Vercors, on alterne donc entre flanc Est et flanc Ouest de la barrière orientale amplifiant de fait le panorama de part et d’autre du massif. 

 

Au départ du Parking des Espinasses, près du hameau de la Conversaria, on débute cette ascension dont l’objectif premier est de passer sur le versant Est de la barrière du Vercors.

 

 

Au lieu de se rendre directement vers le Sentier Gobert via la Combe Chaulange, on part plein Sud en direction de la Croix des Plâtres. On décide de choper le sentier en balcons un peu plus au Sud pour éviter de monter en même temps que les meutes de randonneurs qui s'apprêtent à se rendre soit au Col de l'Arc, soit au Col Vert, soit aux Rochers de l'Ours. 

Après une traversée en sous-bois de la Combe Crose et de la Combe du Bayle, on arrive un replat. On quitte le sentier principal pour partir dans la pente en repérant une petite sente qui file vers le bas de l'épaule du Cornafion. Au bout d'une centaine de mètres, on sort de la forêt. On surplombe ainsi Villard de Lans et ses alpages qui attendent patiemment les premiers centimètres d'or blanc.

 

A droite, on domine le Vallon de la Fauge et à gauche on devine l'ultime village du plateau, Corrençon en Vercors. Malgré ses 2285m, même la Grande Moucherolle n'a pas revêtu son manteau blanc.

 

 

Un peu avant les 1500m d'altitude, on met pied sur le Sentier Gobert et le Gr91 de la Traversée du Vercors. Le Sentier Gobert n'est qu'une portion de la Traversée du Vercors, cette dernière reliant Saint-Nizier du Moucherotte à Châtillon-en-Diois dans la Drôme. Ce segment, appelé Sentier Gobert du fait de son initiateur, correspond à une traversée en balcons connectant Font Froide sous le Col de l'Arc à la Cabane de Roybon sous le Col Vert. 

 

De notre côté, on le remontera presque en intégralité entre le lieu-dit des Côtes, sous le plateau du Cornafion, et le croisement de Font Froide. On alterne ainsi moments en forêt et moments en dehors, ce qui nous permet d'avoir un sympathique panorama sur le Val de Lans et ses villages, de même que les premiers sommets de la partie Nord du Massif tels que Charande, le Bec de Lorient, le Gros Martel et le Moucherotte.

 

Au bout de quelques dizaines de minutes de traversée à travers la Combe Chaulange et la Combe Noire, on arrive au croisement de Font Froide. On met pied sur la voie normale menant au Col de l'Arc. Avant de sortir du bois et de s'attaquer au col, nous croiserons un petit baraquement flambant neuf sur les bords du sentier.

 

 

La Cabane de Font Froide est le tout dernier abri construit dans le Parc Naturel Régional du Vercors. Sous l'égide de la commune de Lans en Vercors, ce baraquement remplace un ancien qui dépérissait sur cette parcelle. Totalement fait de bois de mélèze, cette cabane, certes neuves, est assez sommaire : deux pièces, une table et deux bancs.

Elle peut tout de même constituer un abri bienvenu en cas de mauvais temps, lors d'une traversée du Vercors par exemple ou pour se lancer à l'assaut du Col de l'Arc ou du Pic Saint-Michel afin d'y apercevoir le lever du soleil.

Trônant au milieu d'une petite clairière, la vue est cependant cachée par la dense forêt de conifères. Forêt qui cache une source cent mètres vers l'Ouest, dans le sous-bois.

 

Quelques dizaines de pas après la Cabane de Font Froide, on sort de la forêt. On grimpe le petit pierrier sous le Col de l'Arc et la partie Nord de la Crête des Crocs puis on atterrit dans un alpage où les pentes Sud du Pic Saint-Michel se dévoilent. On ne devrait pas tarder à déboucher sur le col.

 

 

Depuis le Col de l'Arc 1736m, le paysage s'ouvre à l'Est. Lorsque la visibilité est bonne, voire excellente comme c'est le cas ce jour-ci, l'Arc Alpin s'étale du Mont Blanc au Nord jusqu'au Sud du Massif des Ecrins. La large Vallée du Drac marque la frontière entre les Préalpes et les massifs intérieurs, massifs qui ont la chance de voir leurs cimes enneigées contrairement au Vercors.

Le Col de l'Arc est l'un des principaux cols du Massif du Vercors. Immense arc de cercle séparant le Pic Saint-Michel de la Crête des Crocs, il avait un rôle primordial pour les agriculteurs de la région avant l'arrivée de la motorisation et des voies routières dans le massif. Ainsi, les paysans de la Vallée du Drac et du Trièves le franchissaient pour aller y échanger leur huile et leur vin contre du bétail sur le Val de Lans et notamment des vaches de la race villarde.

Aujourd'hui, le Col de l'Arc fait le plaisir des randonneurs voulant apprécier un panorama splendide sur les environs, et ce, sans difficulté d'accès. D'ailleurs les foules sont en nombre au col ce jour-là. Les plus téméraires oseront continuer leur route vers le Pic Saint-Michel 1966m, présent au Nord du col.

De notre côté, nous allons privilégier le virage vers le Sud. Une discrète sente partant dans les gradins herbeux sous-jacents la Crête des Crocs marque le début du Sentier des Deux Cols. 

 

Les premiers mètres du Sentier des Deux Cols face à la plaine du Trièves. Au loin, les Massifs du Dévoluy et du Diois ferment la vallée.

 

Alors que la métropole grenobloise s'immisce petit à petit dans le paysage, le Pic Saint-Michel s'impose vers le Nord.

 

Derrière le Massif du Taillefer, quelques cimes des Ecrins pointent le bout de leur nez : Meije, Aiguille du Plat de la Selle, Barre des Ecrins, Rochail, Pointe de Malhaubert, Pointe de Confolens, Roche de la Muzelle, Olan.

 

La première partie du sentier est légèrement ascendante puis se stabilise vers les 1800m d'altitude. Le dévers n'est pas très important d'autant qu'on reste globalement dans des gradins herbeux. On profite de quelques pauses pour se retourner et voir le Massif de la Chartreuse apparaitre lentement.

Vercors, Chartreuse, Belledonne, voilà le trio au grand complet.

 

Le Mont Aiguille 2087m fait une apparition au Sud du chaînon du Vercors.

 

Avant de passer dans un environnement plus minéral, un timide cairn marque une échappatoire vers l'arête des Rochers de l'Ours. Un petit sentier grimpe la centaine de mètres séparant la vire des Deux Cols et l'arête sommitale et peut permettre de rebasculer sur le versant du Val de Lans. Les Rochers de l'Ours et la Crête des Crocs sont ainsi accessibles via ce chemin, mais pour ce qui est du Roc Cornafion, pas le choix, il faut poursuivre encore plus au Sud.

 

 

 

Les gradins herbeux se muent progressivement en pierriers et petits couloirs. La verticalité des lieux s'accentue mais le sentier reste bien visible et ancré dans la montagne. On passe même parfois à l'intérieur de celle-ci, rendant cette traversée ludique en plus d'être stimulante. 

Dans certains couloirs, le sentier peut être un peu moins visible à cause des intempérie ou du passage des randonneurs mais des points de peinture rouge ont été placés à des endroits stratégiques pour la bonne poursuite du périple.

Ce versant abrupt est le lieu de villégiature de bon nombre de chamois et de bouquetins. A l'instar de ce curieux posté quelques mètres au-dessus du sentier. D'autres caprinés seront observés de loin en grimpant vers le sommet. Bien tranquilles à l'écart des foules.

 

 

 

 

Au détour d'un virage, un rustique panneau de bois indique la direction à suivre pour se rendre sur le sommet. On l'aperçoit d'ailleurs sur la gauche du panneau. Quelques lacets permettent de filer vers l'arête avec un panorama qui ne cesse de s'agrandir au fur et à mesure de l'ascension.

Sur la gauche, les Rochers de l'Ours 2038m nous surplombent encore quelques instants. On ne devrait pas tarder à les surpasser.

 

On arrive sur l'arête en mettant les mains sur quelques mètres. Le sommet est maintenant à notre portée. Il suffit de poursuivre sur le fil entre les quelques blocs coincés sur la crête pour l'atteindre. Le Roc Cornafion 2049m présente une sommité en deux parties séparée par une brèche facilement franchissable pour toucher la croix sommitale, installée sur la seconde pointe.

 

 

La drôle de toponymie de ce sommet viendrait, selon un patois local, de ''Cornafium'' signifiant ''la corne qui fume''. Mais aujourd'hui, aucun nuage n'est présent pour altérer le paysage depuis le sommet.

 

Sous la paroi Ouest, on domine le Plateau du Cornafion et Villard de Lans. Sen suit les Gorges de la Bourne puis au moment où le Massif du Vercors s'évanouit, on plonge sur la Vallée de l'Isère puis celle du Rhône. Tout au fond, les Monts d'Ardèche du Nord se décalquent sous le timide voile nuageux.

 

Côté alpin, de la Chartreuse au Dévoluy, on devine même des massifs relativement lointains et difficilement visibles depuis les Préalpes : Cerces et Arves notamment qui s'incrustent entre le Massif de Belledonne et celui du Taillefer.

 

La croix sommitale est ancrée dans un bloc rocheux. Elle intrigue car peu de croix sont présentes sur les sommets du Vercors, encore moins des croix si distinguées. Cette dernière est ornée de la maxime ''Da Pacem Domine'' : "Seigneur, donne nous la paix" ainsi que de la date 1939, surement en lien avec cette prière pacifiste.

 

Vers le Nord, on poursuit la barrière orientale avec les Rochers de l'Ours, la Crête des Crocs et le Moucherotte. Un peu plus à gauche, l'extrémité septentrionale du massif est composée de quelques plateaux alpestres comme la Molière ou Sornin ainsi que de sommets boisés. Ces derniers laisseront place, un peu plus au Nord, à la Plaine de l'Isère ou à la Chartreuse.

 

 

 

 

 

 

 

Vers le Sud, les Rochers du Ranc des Agnelons prolongent le Cornafion, suivis des Arêtes du Gerbier, des Deux Soeurs. Ensuite si on vire à droite on monte sur la Grande Moucherolle, si on vire à gauche, on tombe sur le Mont Aiguille. 

 

On quitte le sommet du Roc Cornafion sous le vol de quelques chocards nous poussant vers la sortie afin d'y grappiller les maigres miettes que nous laissons après notre repas. On reprend le fil de l'arête et les quelques lacets pour retourner sur le Sentier des Deux Cols. Après la bifurcation vers le roc, le sentier descend sur quelques virages entre 1900 et 1700m d'altitude. On reste dans un terrain exposé et minéral même si l'herbe refait peu à peu son grand retour.

 

La luminosité change de versant, l'Est de la barrière s'obscurcit, alors que l'Ouest s'éclaircit.

 

Clin d'oeil au Roc Cornafion avant d'atteindre le Col Vert.

 

 

Depuis le Col Vert 1766m, le Roc Cornafion n'est pas visible. On admire seulement le commencement de son arête Sud, terrain de jeu des alpinistes. Véritable petite brèche taillée dans la barrière orientale du Vercors, le Col Vert a servi, tout comme le Col de l'Arc, aux échanges entre les habitants du Trièves et ceux du Val de Lans. Quelques ruines sont d'ailleurs visibles sur son flanc Ouest.

On observe une dernière fois le large panorama sur les autres massifs avant de plonger sur le Val de Lans.

 

Sous le col, on devine la Cabane de Roybon, un autre abri connu et reconnu dans le Vercors avec une quinzaine de places pour y passer le nuit. Mais nous n'y ferons en aucun cas escale. En réalité, après quelques lacets sous le col, on bifurque sur la droite et on stoppe ainsi notre descension.

 

La lumière se fait changeante en ce milieu d'après-midi. Ce qui nous motive à poursuivre notre journée près du Roc Cornafion.

Et pourquoi pas un coucher de soleil depuis le Plateau du Cornafion ?

Juste avant d'atteindre le Sentier Gobert, on pénètre la Combe de Pissavache qui remonte en direction du sommet. La potentielle présence d'une source au milieu de ce vallon nous motive d'autant plus à effectuer cette variante.

 

Le Roc Cornafion réapparait en chutant du col. Sa cime est totalement métamorphosée et malgré son épaule au relief relativement doux, sa cime édentée contraste avec le reste de la montagne.

 

Au niveau d'un croisement, une petite sente part en direction de la Combe de Pissavache. On marche brièvement en sous-bois, puis, à la lisière de la forêt, on atterrit proche d'une source (photo de droite), chose rare dans le Massif du Vercors. La suite se fait dans un chaos de blocs puis dans des alpages en dévers, le tout agrémenté de quelques cairns.

 

En grimpant dans la combe, on est écrasé par l'arête Sud. Le Col Vert est d'ailleurs invisible tant la masse rocheuse est imposante. Les montagnes du Trièves réapparaissent de l'autre côté de la barrière. On ne va pas tarder à atteindre la crête.

 

On arrive sur les hauteurs du Plateau du Cornafion s'établissant aux alentours des 1900m d'altitude à son point maximum. On toucherait presque du doigt le sommet qui s'érige en dehors de l'alpage, telle une dent émergeant de la crête herbeuse.

 

La vue est encore bien dégagée en cette fin d'après midi. Le voile nuageux prévu en cours de journée arrive finalement un peu plus tard, n'obstruant pas ainsi le coucher du soleil au-dessus du Vercors.

 

L'affaissement de l'arête Sud du Roc Cornafion en direction du Col Vert permet d'apercevoir les montagnes présentes de l'autre côté de la barrière orientale, notamment le Dévoluy et ses principaux sommets : Obiou, Grand Ferrand, Garnesier.

 

L'Ouest du massif se prépare à la chute de l'astre.

 

La barrière orientale du Vercors se parent de jaune en cette fin de soirée. Parois et alpages se confondent.

 

Le soleil va terminer sa chute près des alpages du Font d'Urle, dans le Vercors drômois.

 

 

Par la suite, le rose pâle prend le relai sur les cimes. On en profite pour se lancer dans la dernière ligne droite vers la voiture. Un plongeon de 600m nous attend entre le Plateau du Cornafion et les premiers alpages du Val de Lans. Pour cela, rien de plus simple, on suit le sentier qui se faufile dans la Combe Chaulange. A mi-chemin on retrouve le Sentier Gobert que nous avons parcouru le matin-même mais on poursuivra notre route vers le partie basse de la combe et l'environnement forestier.

 

On termine cette ascension et ce tour du Cornafion alors que Villard de Lans s'illumine peu à peu et que le gel nocturne reprend place dans les parcelles du plateau.

 

Bien qu'encadré par les petites stations familiales du Vercors et la large et industrialisée Vallée du Drac, le Sentier Gobert et le Sentier des Deux Cols permettent de s'échapper vers le sauvage de manière bucolique pour le premier, vertigineuse pour l'autre. D'ailleurs, alors que les cols sont foulés par énormément de monde, la vire vers le Cornafion donne l'occasion aux randonneurs n'ayant pas l'appréhension du vide de se retrouver seuls face à un vaste panorama. Seul ? Pas totalement, car de nombreux caprinés vous accompagneront lors de votre aventure autour du Cornafion.


ITINÉRAIRE DE LA RANDONNÉE : 

 

  • Départ/Arrivée : Parking des Espinasses - km 0
  1. Croisement des Plâtres - km 1,1
  2. Arrivée sur le Sentier Gobert - km 1,8
  3. Croisement de Font Froide - km 5,4
  4. Cabane de Font Froide - km 5,8
  5. Col de l'Arc (début du Sentier des Deux Cols) - km 6,4
  6. Panneau indiquant Roc Cornafion - km 9,1
  7. Roc Cornafion 2049m - km 9,6
  8. Col Vert (fin du Sentier des Deux Cols ) - km 11,9
  9. Sous le col (croisement) - km 12,3
  10. Croisement Combe de Pissavache - km 12,8
  11. Source de Pissavache - km 13,1
  12. Epaule du Cornafion - km 14,1
  13. Combe Chaulange - km 15,3
Le Roc Cornafion Trace Gpx
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Commentaires

Angélique Guillaud-Rollin
il y a 5 mois

Très intéressant à lire et magnifiques photos !