
Réalisée le 29-30 décembre 2024
Il n'avait pas autant neigé sur le Vercors depuis le printemps 2022 nous disent les analystes météo. 60cm de neige sont tombés sur les communes du parc alors que le mètre semble avoir été atteint sur les Hauts Plateaux et la Réserve. Le relief plutôt doux et collinaire de ce massif préalpin invite à la découverte une fois un dense manteau blanc tombé en montagne. Surtout que sur les massifs intérieurs, les fortes variations de températures de ces derniers jours ont rendu instable la couche de neige. Pour ce qui est du Vercors, mis à part la barrière orientale du massif, les vastes étendues de forêt et de pelouses alpines sont relativement protégées de ce risque d'avalanches.
Cependant, rester sur les plateaux n'est pas franchement idéal pour profiter pleinement d'une ample vue sur le massif en lui-même et ceux des environs. On recherche donc un sommet accessible et sans trop de danger à arpenter en raquettes. Face au caractère abrupt du versant Est de la barrière du Vercors, on se concentre donc sur un accès par l'Ouest de la chaîne de montagnes. Si du côté Est, la barrière est déchiquetée par de multiples pics et pas, l'Ouest est plus apaisé avec une absence de parois rocheuses et des alpages en dévers.
Rapidement, on vise un sommet de la Réserve Naturelle. Le cadrage est simple, il faut piocher sur l'un d'entre-eux présents entre la Grande Moucherolle et le Grand Veymont, d'autant que quelques abris non-gardés jalonnent cette zone si le bivouac hivernal s'avère trop rude. On commence ainsi à s'intéresser au troisième plus haut sommet de cette portion du massif : Roche Rousse 2121m. Sur le versant Est, le Pas de Berrièves, qui permet l'accès à la crête sommitale, semble être trop ardu à pratiquer en raquettes. On s'intéresse ainsi à l'autre versant, moins aérien et plus accessible sur sol enneigé.
Alors que Gresse en Vercors se situe quasiment au pied de la barrière orientale, les points de départ sur le versant Ouest sont beaucoup plus excentrés de la muraille vertacomicorienne. Et c'est d'autant plus de cas en hiver lorsqu'un épais manteau blanc recouvre les quelques routes forestières qui flirtent avec les limites de la Réserve Naturelle, éloignant de quelques kilomètres supplémentaires l'accès aux Hauts Plateaux. C'est donc la Vallée de la Vernaison, s'étendant du Col de Rousset aux Gorges de la Bourne dans le département de la Drôme, qui sera notre porte d'entrée vers les vastes étendues du Massif du Vercors.
Il est assez rare de pouvoir démarrer une randonnée en raquettes depuis cette vallée située à relativement basse altitude, entre 650 et 800m sur ses points les plus bas. Mais qu'importe, la neige recouvre l'entièreté de cette vallée drômoise. Il est tout de même conseillé une fois les fortes chutes de neige tombées, de patienter quelques jours le temps que la neige se tasse ou que de téméraires randonneurs fassent la trace car c'est pas moins d'une vingtaine de kilomètres qui nous attendent entre la vallée et les sommets du Vercors.
Pour démarrer grosso modo dans l'axe du sommet dont nous allons tenter l'ascension, la commune de Saint Agnan en Vercors semble être la mieux positionnée, et notamment ses quelques hameaux méridionaux. Ainsi, la localité des Faures constituera notre point de départ pour ces deux jours sur les Hauts Plateaux du Vercors. Près du Pont des Faures, enjambant le petit torrent de la Vernaison, quelques places de stationnement permettent d'y délaisser sa voiture et d'entamer la randonnée.
Jour 1 : Du Hameau des Faures au sommet Nord de Roche Rousse.
Au petit matin, le froid est piquant dans les fonds de vallée du Vercors. Les -10°C sont facilement atteint à chaque lever du jour, ce qui conserve la couche d'or blanc à ces altitudes. Dès le départ, on chausse nos raquettes et on se met en route vers les Hauts Plateaux via la Piste de la Coche. Bien que l'on commence dans les traces d'autres randonneurs, les empreintes de nos congénères cessent quelques centaines de mètres en amont du hameau. Dès lors, à nous de faire la trace.
La Piste de la Coche nous mène vers la Route Forestière des Rancs. On s'élève de 850m à près de 1300m en zigzagant dans un dédale de végétation malmenée par la lourdeur du manteau neigeux.
En haut, la route forestière n'a de route que le nom à cette période. L'asphalte est totalement enfouis et il n'y a toujours aucune trace devant nous. On poursuit ainsi sur cette route en direction du Nord quasiment à niveau jusqu'au prochain croisement.
Après quelques belvédères déboisés offrant une vue partielle sur la Vallée de la Vernaison, on atteint le lieu-dit de la Fourmilière. On stoppe notre course vers le Nord pour s'enfoncer plus franchement sur les Hauts Plateaux et rejoindre la Baraque Forestière de Pré Râteau.
On quitte la Route Forestière des Rancs pour une piste un peu plus discrète en sous-bois. Pour le moment, mis à part un horizon forestier, on ne devine rien d'autre depuis ces sentiers. Un bon sens de l'orientation, un outil GPS ainsi qu'un temps radieux sont des options non négligeables pour évoluer tranquillement dans cet environnement paumatoire.
Puis, entre les branchages, on commence à apercevoir les premières cimes de la barrière orientale du Vercors. Ici notre objectif du jour : Roche Rousse.
A un peu plus de 1400m, on atteint Pré Rateau et son petit baraquement. Depuis cet alpage, on observe une vue dégagée sur l'ensemble de la crête qui nous intéresse : Rocher de Séguret, Roche Rousse et Sommet de Pierre Blanche. On ne suivra pas la trace de ski mais plutôt le sentier en forêt que l'on devine à gauche de la cabane. Bien que la signalétique locale n'indique pas cette direction, un sentier est présent entre Pré Râteau et Pionchenu sur les cartes IGN.
En évoluant entre Pré Râteau et la clairière de Pionchenu, on longe la délimitation de la Réserve Biologique Intégrale du Vercors. Créée en 2009, cette double frontière de l'aire protégée de la Réserve s'étale sur plus de 2000 hectares entre les communes de Saint-Agnan et de Saint-Andéol. Cette zone incluant à la fois les forêts du plateau et une portion de la barrière orientale a pour but de minimiser au maximum les interférences humaines sur la nature et les écosystèmes. C'est pourquoi, très peu de sentiers traversent cet espace.
De plus, cette RBI a la particularité d'inclure une grande diversité d'environnements, forestiers notamment. Dans notre cheminement vers les cimes de la barrière orientale, on suivra ces évolutions de la végétation :
- entre 900 et 1100m on traverse la chênaie pubescente composée majoritairement de chênes blancs,
- entre 1100 et 1450m on passe dans la hêtraie sapinière qui, comme son nom l'indique est composée d'une sombre forêt de hêtres et de sapins,
- entre 1450 et 1600m il s'agit de la pessière, c'est à dire d'une forêt alternant groupements d'épicéas et clairières,
- entre 1600 et 1850m on se trouve sur une zone de transition entre l'environnement forestier et l'environnement alpestre, les pins résistent aux conditions difficiles de la montagne et trouvent leur place au milieu des lapiaz,
- entre 1850 et 2100m ce sont les pelouses alpines qui recouvrent le versant Ouest des cimes du Vercors.
Au niveau de Pré Râteau nous entrons donc dans la pessière. Les immenses épicéas encadrent les quelques clairières qui parsèment les lieux, ces dernières permettant d'apercevoir au loin les cimes du Vercors.
A Pionchenu, les conifères dévoilent le seigneur du Vercors : le Grand Veymont 2341m. Malgré le soleil baignant les Hauts Plateaux, ces clairières sont de véritables trous à froid à en voir le pied des épicéas totalement frigorifiés.
A partir de Pionchenu, la cartographie IGN cesse d'être utile pour poursuivre notre route vers Roche Rousse. On repère tout de même une sente qui se faufile sur le plateau vers l'Est. Les cartes OSM sont très utiles dans ce cas de figure, même si, encore une fois et grâce au beau temps, on devine facilement le cheminement du sentier. Prochain objectif : atteindre la Jasse du Play et sa cabane en espérant qu'une fois à ce niveau-là de l'aventure, la trace soit faite pour faciliter notre progression vers les cimes.
Sans s'en apercevoir, nous basculons de la Drôme à l'Isère dans notre course vers la Jasse du Play.
L'arête de Rocheherbe s'élance face à nous.
Une fois à la Jasse du Play, la vue se dégage enfin amplement sur la barrière orientale. Du Sommet de Malaval à gauche jusqu'au Grand Veymont à droite, on observe ce magnifique enchainement depuis les environs de la cabane. Au départ de Saint-Agnan en Vercors, il nous aura fallu 4h de traversée pour relier ce lieu.
En s'approchant de l'Abri de la Jasse du Play, on met également pied sur le Gr91 traversant le Vercors du Nord au Sud. On profite de la cabane pour casser la croûte et faire fondre un peu de neige avant d'entamer la montée vers les arêtes. Cette cabane fait partie du réseau d'abris non-gardés qui quadrille le Vercors. Assez rudimentaires et rustiques, ils peuvent, lorsqu'ils ne sont pas blindés, servir de magnifiques alternatives au bivouac sauvage dans cette zone.
L'abri de la Jasse du Play et Roche Rousse. Tout à gauche, on devine le Pas de Berrièves.
Une fois la pause finie, on poursuit en direction du Pas de Berrièves. Sur les premières centaines de mètres, la trace est faite par divers skieurs et randonneurs mais on va vite déchanter car la totalité des traces filent finalement vers la Jasse de la Chau et la suite de la traversée du Vercors. On doit donc se débrouiller pour grimper les 300m séparant la Jasse du Play du pas dans une neige alourdie par quelques heures au soleil.
Le Grand Veymont et les pentes Ouest de Roche Rousse et de Pierre Blanche.
Tant bien que mal on arrive à déboucher sur l'arête. On a choisi de se diriger vers une brèche située un peu plus au Nord du Pas de Berrièves en suivant un talweg facile d'accès. On rejoint le pas en tournant le dos à la crête de Rocherherbe. Encore une fois, on suit davantage les traces d'animaux sauvages, les bipèdes semblant avoir déserté les lieux depuis les dernières chutes de neige.
Encadré par la crête de Rocherherbe et la paroi du Rocher de Séguret. On profite du panorama de sommets enneigés qui s'étalent de la Chartreuse au Dévoluy en passant par les Bauges, le Mont Blanc, Belledonne, les Grandes Rousses, le Taillefer et les Ecrins.
Au Pas de Berrièves 1902m, un monument aux morts ornée d'une croix de Lorraine rend hommage à quelques combattants morts pour la France durant la Seconde Guerre Mondiale.
Face à la Résistance qui s'organise et malmène les occupants nazis présents en vallée et notamment près de Grenoble, les Allemands partent à l'assaut du Vercors le 21 juillet 1944 dans le but d'abattre les poches de résistance qui contrôlent le massif. Par le Nord, ils pénètrent le Vercors via Saint-Nizier du Moucherotte en direction de Saint-Martin et d'Autrans. Plus au Sud, depuis le Trièves, les Allemands commencent l'invasion de tous les pas situés entre celui de Berrièves et celui de l'Aiguille. Le même jour, au matin, une attaque aérienne pilonne la commune de Vassieux en Vercors.
Deux jours plus tard, le 23 juillet, une offensive surprise est organisée sur le Pas de Berrièves causant la mort de six maquisards qui tentaient alors de s'enfuir sur le versant oriental de la montagne. Un septième se suicidera après avoir été blessé pour ne pas être capturé par l'ennemi.
On s'échappe de ce col en suivant le fil de l'arête menant au Rocher de Séguret. Alors que le sentier classique part dans les pentes en dévers, on préfère grimper directement via l'arête Nord dégarnie par l'épisode venteux qui a suivi les importantes chutes. Ce moment nous permet de nous débarrasser quelques instants des raquettes et de soulager nos chevilles meurtries par des kilomètres dans de la poudreuse.
Sous les pentes du Pas de Berrièves on domine la clairière de la Jasse du Play. On commence à se rendre compte de l'immensité du Vercors.
Le terrain s'aplanit près du Rocher de Séguret 2051m (à gauche). On ne prend pas la peine de se rendre vers le cairn sommital, on pique directement vers le Sud, vers Roche Rousse que l'on aperçoit à droite.
Juste avant d'atteindre Roche Rousse, on se retrouve nez à nez avec une horde de chamois broutant les maigres pelouses. Le temps qu'ils réalisent le danger de notre présence, ils se figent puis détalent vers le sommet voisin un peu plus au Sud.
Vers 16h nous mettons pied sur le dôme de Roche Rousse 2105m. Bien que les cartes IGN mentionnent un point légèrement plus haut un peu plus au Sud, 2125m, c'est bien cette position qui est rattachée à Roche Rousse. Encore une bizarrerie cartographique. Quoiqu'il en est, on se décide à camper sur ce sommet pour le moment. On se rendra sur l'autre sommité demain matin pour le lever du soleil.
Dès notre arrivée, la lumière s'affaisse. Alors que le versant Ouest du Vercors baigne sous les rayons, les communes de Saint-Andéol, de Château-Bernard et de Gresse en Vercors sont déjà dans l'ombre de la barrière orientale. On contemple quelques instants la chaîne de montagnes filant au Nord vers la Grande Moucherolle et au Sud vers le Grand Veymont, puis on s'attelle à l'établissement du bivouac pour la nuit.
Grande Moucherolle, Deux Soeurs, Chartreuse, Bauges, Mont Blanc et balcons de Belledonne profitent encore quelques instants du soleil. A contrario, la cuvette grenobloise et le Grésivaudan sont encore embourbés dans la mer de nuages.
Des Ecrins (à gauche) à la Montagne du Glandasse (à droite) en passant par le Sénépy, les Rochers du Baconnet, le Dévoluy, le Trièves, le Goutaroux, le Sommet du Platary, le sommet Sud de Roche Rousse et le Grande Veymont.
Cette expérience inédite du bivouac hivernal n'est pas arrivée par hasard. Il faut dire que les conditions ces jours-ci sont idéales : un anticyclone puissant sur la région, une absence totale de vent même en altitude, une humidité cantonnée aux plaines et aux fonds de vallée ainsi que de fortes inversions de températures entre les talwegs et les cimes.
On tente donc le coup dans un lieu idyllique, sur la barrière orientale, le Grand Veymont et les Hauts Plateaux en guise de panorama depuis la chambre à coucher.
Bien que les quantités de neige ne soient pas très importantes sur les sommets, on se servira d'une congère pour se creuser un emplacement. Quelques minutes de pelletage, une couverture de survie pour recouvrir le tout et voilà que l'on peut installer le bivouac près du cairn de Roche Rousse.
Après l'établissement du bivouac, on se cale sur le sommet. On engrange le plus possible de chaleur que le soleil peut nous fournir avant qu'il ne disparaisse et que la fraicheur prenne le relai. Déjà, les plateaux s'apprêtent à sombrer.
Vers le Sud, l'alpage de la Grande Cabane contraste avec la forêt recouvrant les Hauts Plateaux. Au-delà, la Montagne du Glandasse, les Rochers de Plautret, la Dent de Die et quelques montagnes du Diois complètent l'arrière-plan.
Le Rocher de Séguret , les Rochers de la Balme, les Moucherolles et les Deux Soeurs narguent St-Andéol blottie dans l'ombre.
Sirac, Vieux Chaillol, Obiou, Tête de l'Aupet, Grand Ferrand, Tête de la Cluse, Tête de Vachères, Roc de Garnesier, Tête de Garnesier, Chamousset, Montagne Dubornas.
Plein Est, des Grandes Rousses à l'Olan, on devine également le Taillefer, les Aiguilles d'Arves, le Grand Armet, la Meije, l'Aiguille du Plat de la Selle, la Roche de la Muzelle, la Barre des Ecrins et l'Ailefroide.
17h approche et en l'espace de quelques minutes, la luminosité change radicalement sur le Vercors. Le jaune se fait peu à peu chasser par le rosé, enchantant ce début de soirée malgré les picotements du froid se faisant de plus en plus intenses.
C'est la Vallée du Rhône qui accueillera le coucher du soleil.
Et voilà que le culmen du Vercors s'illumine de rose.
Les Trois Becs se préparent au crépuscule.
C'est fini sur les sommets, du moins des Préalpes. Les teintes de rose s'installent dans le ciel des Alpes du Nord.
Quelques silhouettes nous intriguent sur les pentes du sommet Sud de Roche Rousse. Il s'agit de la horde de chamois partie se réfugier au calme sur ces pentes. Certains d'entre eux se décalquent particulièrement bien près de la paroi Nord du Grand Veymont.
Les observer retarde notre emmitouflage dans le duvet. D'autant plus qu'il n'est que 17h30 et qu'une fois la nuit tombée il sera compliqué de s'occuper autrement qu'en dormant.
En parlant de s'emmitoufler, le moment le plus périlleux est la transition entre ''enlever ses chaussures détrempées par des kilomètres dans la neige'' et l'intérieur du sac de couchage. Le tout sans défoncer la sommaire construction neigeuse entourant le ''lit''. Un peu d'équilibre et beaucoup d'improvisation ont l'air d'être la clé du succès.
Une fois les couleurs chaudes ayant quitté le ciel à l'Ouest, l'obscurité prend le relai. Une à une les étoiles apparaissent et scintillent juste au-dessus de notre tête. Aujourd'hui, pas besoin d'ouvrir la portière de la tente pour les observer. On ouvre les yeux et c'est toute la Voie Lactée qui s'offre à nous.
Le fait le plus marquant de cette nuit à la belle étoile n'aura pas été le froid mais plutôt l'absence totale de bruit. Seuls les quelques avions survolant le Vercors briseront le silence dans ces montagnes. Aucun bouquetin, aucun chamois ni même le loup ne daignera nous rendre visite durant ces quelques heures loin de la civilisation.
Jour 2 : La traversée des arêtes entre Roche Rousse et le Pas de la Ville et le retour par les Hauts Plateaux.
A 6h45, heure du réveil, même l'Est n'émet aucun indice sur le lever du soleil qui s'annonce. On en profite pour remballer rapidement nos affaires en bougeant le plus possible pour pallier au froid qui, même s'il n'est pas vif ce matin-là, a tout de même gelé les gourdes présentes dans le sac à dos et les chaussures qui se sont endormies pétries de neige fondue.
Aux premières lueurs, on quitte le sommet Sud de Roche Rousse 2105m pour rallier le sommet Nord 2121m. De là, on patientera, un café à la main, le temps que le soleil émerge de l'Orient.
Encadrée par le Vieux Chaillol à gauche et la Montagne Durbonas à droite, la barrière du Dévoluy se décalque parfaitement dans les couleurs de l'aube.
Malgré son allure dômatique de loin, le second sommet de Roche Rousse se révèle être beaucoup plus fin et abrupt qu'il n'en avait l'air. Il aurait été compliqué d'établir le bivouac près de sa cime. Mais son caractère restreint est idéal pour contempler le lever du soleil.
Depuis ce sommet, on aperçoit même le Mont Aiguille 2087m ainsi que le Jocou 2051m, point culminant du Massif du Diois.
La mer de nuages a profité de la nuit pour s'étendre sur les vallées de l'Isère et du Rhône. Les habitants de ces fonds de vallées ne profiteront pas du spectacle qui se prépare et qui éclatera dans quelques secondes.
Le Grand Veymont et la Montagne du Glandasse sont les premiers à s'éclairer.
Le soleil apparait à mi chemin entre l'Obiou et la Tête de l'Aupet. On le scrute s'élever quelques instants avant de tourner le regard plus au Nord où le spectacle sur la barrière orientale s'annonce flamboyant.
Un a un, les pics de la barrière orientale se mettent à briller. D'un seul coup l'ambiance se réchauffe sensiblement et permettent à nos doigts de pied d'enfin ressusciter.
Les sommets plus modestes de l'Ouest du Massif du Vercors commencent tout juste à s'illuminer à l'instar de la crête enneigée du Serre de Montué. Au premier plan on devine Vassieux en Vercors et ses champs agricoles et en arrière-plan la Vallée du Rhône embrumée suivie du Parc Naturel Régional des Monts d'Ardèche.
Voilà que la totalité des cimes du coin sont baignées par le soleil à présent. On ne patientera pas que les Hauts Plateaux en fassent de même pour entamer véritablement l'étape du jour. Pour profiter encore de ce panorama à couper de souffle de part et d'autre de la barrière orientale du Vercors, on se décide à poursuivre l'arête vers le Sud en direction du Sommet de Pierre Blanche et du Pas de la Ville. Ce dernier nous permettra de rejoindre plus tranquillement les Hauts Plateaux et d'effectuer de nouveau la traversée en direction de Saint-Agnan.
Il n'y a aucune difficulté à poursuivre sur la crête reliant Roche Rousse et Pierre Blanche. Même les corniches sont peu présentes sur le tracé ce qui nous permet de suivre fidèlement le fil de l'arête. L'expérience vertacomicorienne est quasiment complète à ce moment-là. Mais il nous manquait tout de même quelques rencontres avec les animaux du coin. Cette traversée sera l'occasion de retrouver les caprinés de ces monts.
Dès nos premiers pas en direction du Pas de la Posterle, col séparant Roche Rousse du Sommet de Pierre Blanche, on repère un groupement de chamois. Probablement les mêmes qui paissaient sur Roche Rousse la veille.
En s'approchant près du Sommet de Pierre Blanche, le soleil envahit peu à peu les ruelles de Gresse-en-Vercors (à droite) dominées par Roche Rousse (à gauche). Au fond, la métropole grenobloise n'aura toujours pas droit à son rayon de soleil aujourd'hui.
Au Sommet de Pierre Blanche 2106m, on toucherait presque du doigt le Grand Veymont. On part encore plus près du géant du Vercors en ralliant l'antécime de Pierre Blanche que l'on aperçoit légèrement à droite où quelques mouvements attisent notre curiosité.
Juste avant d'atteindre l'antécime, un bouquetin émerge du Sud. Le face à face s'opère quelques secondes puis le capriné se décide à faire demi tour.
Calmement et sans un bruit, on rejoint le cairn sommital d'où on l'observera gambader sur l'arête Sud de Pierre Blanche.
Carte postale du Vercors.
Roche Rousse et Pierre Blanche s'imitent.
Non seulement nous disons au revoir au bouquetin mais également à la vue sur la barrière orientale du Vercors. Il nous faut maintenant descendre du Sommet de Pierre Blanche en direction du Pas de la Ville, coincé sous la face Nord du Grand Veymont. On commence d'ailleurs à apercevoir les foules de skieurs partir à l'assaut du géant du Vercors, pourtant bien dégarni par la tempête passée.
Alors que Pierre Blanche capte les rayons depuis maintenant plusieurs heures, la Jasse de la Chau et ses cabanes pastorales ne sont éclairées que depuis quelques instants. C'est via cet alpage que la traversée retour des Hauts Plateaux débutera.
Sur les coups des 10h du matin, on atteint le Pas de la Ville 1925m. Haut lieu de transition entre la station de Gresse-en-Vercors et la Réserve Naturelle mais également entre les Hauts Plateaux et le point culminant du Vercors, il fut le théâtre, tout comme le Pas de Berrièves, d'affrontements sanglants entre la Résistance et les forces allemandes lors de la Seconde Guerre Mondiale. Lors de la ''Bataille des Pas'' enclenchée par l'armée d'occupation allemande fin juillet 1944, le Pas de la Ville a été l'un des derniers cols à avoir été conquis par les nazis. Cinq maquisards y seront tués, une plaque commémorative leur rendant hommage au niveau du pas.
On passe rapidement le Pas de la Ville envahit par les groupes de skieurs de randonnée partant à la conquête du Grand Veymont et on enchaine directement avec la descente vers la Jasse de la Chau. On quitte ainsi la barrière orientale pour rejoindre les Hauts Plateaux et leur épais manteau blanc.
Depuis la Jasse de la Chau, on observe les dômes surplombant les Hauts Plateaux : Rocherherbe, Roche Rousse, Pierre Blanche.
On passe aux abords des deux Cabanes de la Jasse de la Chau. A droite, on aperçoit le Pas de la Ville et l'arête Nord du Grand Veymont.
Contrairement à la Jasse du Play, les abris de la Jasse de la Chau sont exclusivement réservés aux activités pastorales. Même le bivouac y est interdit sur cet espace lors de la saison estivale. En hiver, le baraquement de gauche reste ouvert mais l'intérieur est assez dégradé et ne permet pas d'y passer la nuit. Cela est dommageable car un entretien plus minutieux pourrait permettre de désengorger les cabanes du coin et notamment la Jasse du Play en créant un nouvel abri non gardé digne de ce nom sur le tracé de la Traversée du Vercors.
Après la Jasse de la Chau, c'est reparti pour une dizaine de kilomètres dans le labyrinthe des Hauts Plateaux du Vercors. Encore une fois, peu de traces sont présentes pour nous faciliter la tâche. On prend tout de même le temps de se retourner à de nombreuses reprises pour contempler les sommets du Vercors s'affaisser au fur et à mesure de notre éloignement.
L'imposante face Ouest du Grand Veymont 2341m.
Après quelques kilomètres en sous-bois, l'itinéraire traverse de nombreuses clairières nous permettant d'observer une dernière fois les cimes du massif.
Au même moment, et sans véritablement s'en rendre compte, on met pied sur la Route Forestière de Combau. On la suivra également sur plusieurs kilomètres vers l'Ouest dans une lente et progressive descension. A noter que la fraicheur fait son grand retour avec des broussailles pétris de givre et de glace.
Malaval et Ranc Traversier depuis la Route Forestière de Combau.
Au bout de la Route Forestière de Combau, vers 1300m d'altitude, on arrive à la Maison Forestière de Pré Grandu, elle-même suivie de la Baraque de la Coche. Comme de nombreuses cabanes des Hauts Plateaux, ces baraquements servaient d'abris à la Résistance. Mais avec la conquête du Vercors fin juillet 1944, nombre d'entre elles fut détruites le mois suivant. La Maison Forestière de Pré Grandu en a fait les frais et ne fut reconstruite que dans les années 1950 pour y accueillir les agents de l'ONF et les bûcherons.
Activités pastorales et forestières, ermitage, lieu de villégiature loin de la civilisation, abris pour la résistance lors de la Seconde Guerre Mondiale, tous ces facteurs ont peu à peu forgé et conduit à ce réseau d'abris non-gardés caractéristique du Massif du Vercors.
A quelques encablures du lieu-dit de la Coche, on retrouve le croisement de la veille sur la Route Forestière des Rancs. Il ne nous reste plus qu'à dévaler les centaines de mètres qui nous séparent du talweg de la Vernaison.
C'est sous un franc soleil, entre buis et hêtres dévêtus que nous quittons les Hauts Plateaux du Vercors et leur Réserve Naturelle. L'époque est idéale pour démarrer une traversée Ouest-Est de ces montagnes : peu de monde, des routes forestières ensevelies sous la neige, des abris non-gardés moins pris d'assaut qu'en saison estivale et des paysages splendides, mais sur ce dernier aspect, c'est bel et bien le cas toute l'année.
De la Vernaison à la barrière orientale, c'est un voyage dans le temps et l'espace que nous offre le Vercors. Un massif chargé d'histoire dont les heures sombres de la Grande Guerre contrastent avec le caractère grandiose et sauvage de ses montagnes.
ITINÉRAIRE DE LA RANDONNÉE :
- Départ/Arrivée : Pont des Faures - km 0
- Hameau des Faures - km 0,2
- Route forestière des Rancs - km 2,4
- Lieu-dit ''La Fourmilière'' (entrée de la Réserve) - km 3,5
- Baraque forestière de Pré Râteau - km 6,1
- Pionchenu - km 6,9
- Abri de la Jasse du Play - km 9,6
- Pas de Berrièves - km 11,3
- Près du Rocher de Séguret - km 11,7
- Roche Rousse 2105m (Sommet Nord / Bivouac) - km 12,2
10. Roche Rousse 2121m (Sommet Nord) - km 12,7
11. Pas de la Posterle - km 13,3
12. Sommet de Pierre Blanche - km 13,9
13. Pas de la Ville - km 14,9
14. La Jasse de la Chau - km 16,7
15. Route forestière de Combau - km 19,9
16. Maison forestière de Pré Grandu - km 22,1
17. Parking de la Coche - km 22,7
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Commentaires
Salut Nicolas. Merci de nous faire participer à tes sorties en montagne. on a peur pour toi de te savoir seul. Mais on te fait tout de même confiance, tu prépares bien tes randos. Je te souhaites une bonne année, une bonne santé,profites des belles balades dans notre région. Bises.