
Réalisée le 29-30 mars 2025
Les premières influences printanières de ce mois de mars libèrent petit à petit des glaces la moyenne montagne. On entre dans une période de transition où la haute montagne conserve une importante quantité de neige alors que la basse montagne se ternit avec la fonte et attend de retrouver des couleurs grâce au bourgeonnement et au verdissement des alpages. Entre les deux, la moyenne montagne observe un mélange des deux : des faces Sud totalement dégarnies et des faces Nord toujours figées dans l'hiver alpin. C'est d'ailleurs un casse-tête pour les randonneurs en expédition à ces altitudes : faut-il emporter les raquettes ? les crampons sont-ils indispensables ? L'appréciation du terrain et du circuit envisagé est donc primordiale pour ne pas s'embourber dans une aventure mal anticipée.
Les Hauts Plateaux du Vercors se situent précisément dans cet espace de transition. La neige fond aux premiers rayons mais reste bien présente notamment dans les coins ombragés et encaissés. Loin d'être radicalement platoniques, les Hauts Plateaux conservent donc une épaisseur de neige plus ou moins importante en fonction de leur relief et de leur exposition ce qui influencera notre divagation dans la plus grande réserve naturelle de France métropolitaine.
Pour profiter d'un ample point de vue sur les Hauts Plateaux, on se cherche une sommité présente sur les extrémités du massif. Aux classiques Grand Veymont, Montagnette ou Tête Chevalière, on préfère regarder vers un sommet beaucoup plus discret et pourtant caractéristique des Hauts Plateaux : les Rochers de Plautret. Si ce sommet ne vous dit rien, vous l'avez néanmoins probablement contemplé puisqu'il s'agit d'un des sommets visibles depuis la très photogénique Plaine de Queyrie. Il forme un duo esthétique avec sa petite consoeur la Dent de Die en arrière-plan, lorsque on les visionne depuis le Nord des Hauts Plateaux.
En plus de l'ascension d'un sommet peu couru, on se décide à pénétrer les Hauts Plateaux par une porte d'entrée jusque-là inédite pour les Isérois que nous sommes. On élimine le Pas de l'Essaure, le Pas de l'Aiguille et le Pas des Bachassons pour une incursion au niveau du Cirque d'Archiane dans le département de la Drôme. On espère ainsi que la méridionalité de cette zone nous permettra d'avoir une météo plus clémente et d'échapper en partie au vif flux de Nord qui se met en place sur les Alpes.
Face aux vents qui risquent d'être continus sur les prochains jours, on ne se privera pas de l'important réseau de cabanes non gardées lors de notre aventure sur les Hauts Plateaux. Sur la partie Sud de la réserve, trois abris sont officiellement mis à la disposition des randonneurs : Chaumailloux, Essaure et Pré Peyret. Plutôt faciles d'accès, ces cabanes sont souvent prises d'assaut notamment le week-end, leurs places n'excédant pas la quinzaine de couchages. Et c'est là que la météo médiocre de ce premier jour sera, sur cet aspect, un allié de poids pour vider les Hauts Plateaux et dissuader les autres randonneurs à venir squatter ces abris le temps d'une nuit.
Au-delà des cabanes, ce sont également les sources qui définiront le circuit sur les Hauts Plateaux. Bien que la neige permette un ravitaillement constant tout au long de l'itinéraire via sa fonte au réchaud, un filet d'eau est toujours préférable pour faciliter l'hydratation et nos plats lyophilisés. Cette période est idéale pour la régénération des sources du Vercors et nous en repérons quelques unes avant le départ.
L'itinéraire est donc bien rodé pour ce week end dans la Réserve Nationale des Hauts Plateaux du Vercors. On franchit le Col de Menée et on se faufile jusqu'au coeur du Cirque d'Archiane, point de départ de notre randonnée.
Jour 1 : Du Cirque d'Archiane au Vallon de Combau.
Le Cirque d'Archiane et le Vallon de Combau forment deux importantes portes d'entrée de la Réserve. Alors qu'une route permet de grappiller du dénivelé et de faciliter l'accès aux Hauts Plateaux via le Vallon de Combau, le Cirque d'Archiane rend plus difficile leur accès. Du moins il faut grimper et marcher et cela tombe bien, nous sommes là pour ça. Dans le but de maximiser nos chances d'avoir une place dans un abri et de parfaire notre itinéraire sur les Hauts Plateaux, on choisit l'Abri de l'Essaure pour y passer la nuit.
Depuis l'aval du Cirque d'Archiane, ce n'est pas moins de 14km qu'il nous faudra avaler pour relier l'Abri de l'Essaure. Fort heureusement le temps ne semble pas si dégradé que cela depuis notre point de départ.
Depuis le parking installé quelques centaines de mètres avant le Hameau d'Archiane, on bénéficie déjà d'un large panorama sur les parois du Cirque. Les rideaux de pluie ne semblent pas les franchir pour le moment et ce sont même quelques furtifs rayons de soleil qui viennent éclairer ici ou là cette merveille géologique.
Pas question de se rendre au pied des parois pour notre première journée d'ascension. Au contraire, on s'éloigne légèrement du centre du cirque via le Gr93 en direction du village de Bénevise.
Avant d'atteindre ce village on bifurquera hors du Gr pour relier le lieu-dit Tussac, notre porte d'entrée pour les Hauts Plateaux du Vercors.
Les stigmates de l'hiver sont encore bien visibles : une végétation terne, des broussailles aplaties par les épisodes neigeux et quelques fines plaques de neiges dénotent sur le haut des parois de la Montagne du Glandasse. Le Sud Vercors et le Diois n'ont rarement été vus aussi fades.
Les nuages sont assez hauts pour laisser apparaitre le Rocher de Combau 1508m. Cette montagne marque la porte d'entrée du vallon éponyme. Vallon que nous devrions atteindre par sa partie haute.
Au bout de quelques centaines de mètres sur un chemin carrossable, on atteint les baraquements de Tussac. On entre par la même occasion dans la Réserve et les Hauts Plateaux. La neige est encore absente, on se situe alors aux alentours des 1500m. A cet endroit précis il faut bien penser à faire un stop au niveau de la petite source qui se trouve plusieurs dizaines de mètres avant les cabanes. En effet, nous ne retrouverons pas d'eau sous forme liquide pendant plusieurs kilomètres.
A partir de Tussac 1563m, on se faufile sur les Hauts Plateaux. La forêt de conifères nous protège des rafales de vent et les nuages ne semblent pas envahir les plateaux pour le moment. On se fixe ainsi la Bergerie du Jardin du Roi comme prochain objectif à atteindre.
Alors que la neige s'invite sous nos pas, on croise une petite bergerie au milieu de l'alpage. Sur les cartes IGN, ce lieu correspondrait au Pré de Toine. Malgré la neige, le sentier est tout de même visible et l'absence de brouillard facilite notre divagation sur les plateaux.
La forêt s'épaissit lors de notre traversée au-dessus de la Combe du Coureau, la neige en fait autant.
L'ambiance est particulière dans ce Vercors Sud. L'adret des montagnes est radicalement sec alors que les forêts et les dépressions sont coincées dans une épaisse couche de neige. On a l'impression de sautiller entre les saisons : l'hiver alpin d'un côté et l'aridité de l'été sur ces montagnes méridionales de l'autre.
En plus de cela, la solitude est complète sur ces premiers kilomètres. Les bipèdes ont totalement déserté les lieux et les animaux sauvages également à l'exception des quelques oiseaux qui piaillent dans les pins.
Mises à part les bergeries, on est totalement happé par le caractère sauvage et naturel des Hauts Plateaux du Vercors.
Alors que quelques flocons commencent à virevolter, on débouche sur une succession d'alpages plus ou moins enneigés composant la Combe du Rancou. On les traverse d'une traite en faisant bien attention aux différents scialets qui jalonnent le plateau, à l'instar du Gouffre de Nouvelet.
Totalement perdue au milieu des Hauts Plateaux, la Bergerie du Jardin du Roi trône au centre de son alpage. Son petit baraquement de stockage à gauche nous servira d'abri pour notre halte déjeuner.
Le Jardin du Roi (ou Roy) s'étend sur 807 hectares à l'intérieur même de la Réserve des Hauts Plateaux. Sa superficie couvre une bonne partie des hauteurs du Cirque d'Archiane ce qui en fait un lieu idéal pour observer la faune locale et notamment les rapaces que sont les Vautours et les Gypaètes Barbus. Au vu de la tempête en altitude, peu de volatiles sont visibles, on se contentera des forêts de pins à crochet, des lapiaz et des landes qui composent ce jardin royal.
Après la Bergerie du Jardin du Roi, on part en direction du Nord-Est. Vers 1800m d'altitude, on passe dans les nuages et l'ambiance tempétueuse se durcit fortement. Les bourrasques s'intensifient, le vent hurle et fouette les pins à crochet autour de nous et les couvre petit à petit d'une fine couche de givre.
A mi-chemin entre la Croix du Lautaret et la Montagnette, deux sommets du coin que nous frôlerons par le Nord, les arbres se raréfient et la visibilité devient quasi nulle. On expérimente pour la première fois un jour blanc total sur les Hauts Plateaux du Vercors. Autant dire que sans outil GPS et sans sens de l'orientation, la progression aurait été périlleuse pour rejoindre le Vallon de Combau.
On sort finalement de la tempête une fois le Pas de la Coche franchi. On appréhende un peu plus le relief et les quelques arbres des environs aident au repérage.
On commence notre descension dans le Vallon de Combau tout en prenant bien soin de passer près de la Source de Grailler (photo ci-contre). En effet, il n'y a pas d'eau à proximité de l'Abri de l'Essaure mis à part quelques névés dépérissant. Cette source, présente quelques centaines de mètres en amont de la cabane, permet donc un ravitaillement en eau indispensable avant de la rejoindre.
On arrive à l'Abri de l'Essaure 1653m après cinq bonnes heures de traversée depuis Archiane. On se réfugie à l'intérieur de ces murs. Dedans, seuls cinq emplacements pour dormir sont disponibles sur des bas flancs. Sinon, c'est le sol qui s'offre à vous. Au vu de la proximité de la route de Combau, la cabane peut rapidement être bondée. Lors de notre venue, le temps n'est pas clément mais les alentours de l'Abri de l'Essaure sont autant de possibilités de bivouac palliant facilement à sa rusticité.
Jour 2 : La traversée des Hauts Plateaux Sud en passant par les Rochers de Plautret.
Au matin, le ciel drômois est encore bien bouché et le vent toujours aussi présent. On démarre notre seconde journée dans l'espoir de voir les nuages se dissiper rapidement d'autant que plusieurs points de vue se situent sur notre itinéraire.
On part dans un premier temps vers le Pas de l'Essaure pour tenter d'en voir un peu plus. La visibilité est quand même bien meilleure que la veille. Les crêtes de la Montagnette daignent enfin se montrer.
En sortant de l'Abri de l'Essaure, on butte sur la Montagnette 1972m. Le brouillard, les bourrasques et le froid ont plâtré ses falaises ainsi que la collerette de pins à crochet qui entoure sa cime. La veille nous sommes arrivés par le côté droit de cette montagne.
Alors que quelques chamois broutent tranquillement aux abords du Pas de l'Essaure, on se prend une à une les rafales venant du Nord. Le soleil n'a pas le temps de rayonner que les vagues nuageuses s'enchaînent les unes après les autres.
Au Pas de l'Essaure, on se met à dominer le Trièves. L'icône du coin, le Mont Aiguille, est finalement bien présente même si chapeautée d'une touffe nébuleuse. Les nuages semblent moins envahissant côté Isère. Et cela tombe bien car c'est dans cette direction que nous poursuivons notre aventure. En effet le prochain objectif est de rejoindre la Cabane de Chaumailloux près du Pas de l'Aiguille. Pourquoi ? Parce que là aussi, une source relativement vive va nous permettre de poursuivre la randonnée plus sereinement.
Alors que la Montagnette se voit de nouveau empêtrée dans les nuages, on quitte le frigo de Combau en se rendant vers le Col du Creuson perché à un peu plus de 1700m d'altitude. On basculera ainsi de la Drôme à l'Isère. Un autre cheminement est possible en suivant le fil de l'arête surplombant le Ravin des Arches, mais avec les rafales venant du Nord, on se préfère à errer plus paisiblement sur les alpages partiellement protégés.
Lors de la traversée des alpages délimitant le Pré Mouret de la Plaine de Chamousset, on se retrouve une nouvelle fois happé par l'hiver vertacomicorien. Ce n'est qu'à partir de la Bergerie de Chamousset que l'on s'extirpe de la nébulosité et que l'on profite des premiers rayons de soleil. Du reste, la suite de l'aventure parait dégagée.
On arrive tranquillement au Pas de la Chèvrerie, sous la Tête des Baumiers 1874m.
De l'autre côté du pas, le Mont Aiguille a amorcé son pivotement. Son acolyte le Grand Veymont n'est par ailleurs toujours pas visible à cause d'une nébulosité tenace sur le toit du Vercors.
On contourne légèrement la Tête des Baumiers par le Nord, ce qui dégage la vue vers l'Est et vers la suite de la journée. Tout à gauche on devine l'objectif du jour : les Rochers de Plautret. Au centre-droit, l'immense dôme en grande partie forestier correspond au Sommet de Tourte-Barreaux 1876m.
De gauche à droite : le Roc de Peyrole, le Rocher des Heures, les Rochers des Traverses, les Rochers de Plautret, la Tête du Pison. Au centre, on devine l'alpage de Jas Neuf et sa grande bergerie.

On traverse rapidement l'alpage de Chaumailloux après s'est ravitaillé en eau dans l'un des ruisseaux présents juste avant la cabane. On zyeute tout de même les mythiques sommets de la zone et leur forme atypique. D'ailleurs, le Grand Veymont est maintenant de la partie au-dessus du Refuge de Chaumailloux.
Pour la suite, on doit maintenant s'éloigner de la lisière des Hauts Plateaux et s'enfoncer dans ce labyrinthe de petits vallons et de forêts clairsemées à la recherche de la Bergerie de Jas Neuf. Sur cette portion globalement à niveau, c'est le printemps qui prend l'avantage ramollissant grandement les étendues de neige et ralentissant ainsi notre progression sur les Hauts Plateaux.
En pénétrant au coeur des Hauts Plateaux, sans toutefois les surplomber, on se rend compte de l'immensité de cette région et du caractère paumatoire de l'environnement qui nous entoure sur des kilomètres à la ronde.
Au Nord, seul le Grand Veymont du haut de ses 2341m arrive à émerger dans le paysage.
La Bergerie de Jas Neuf est probablement l'une des plus importantes des Hauts Plateaux. Son toit rouge se repère à des kilomètres depuis les différents points de vue de la zone. Il faut dire que l'alpage est vaste et qu'il se distingue particulièrement bien avec sa grande bergerie et sa position centrale.
Au niveau de la bergerie, on suit tant bien que mal le sentier en direction du Col du Pison. Ce dernier poursuit sa route à niveau mais en passant de l'alpage de Jas Neuf à la forêt environnante, la neige de printemps conservée par l'ombre des arbres ralentit notre progression.
La Montagne du Glandasse a des allures de petite Laponie. Tout à gauche, l'ultime dôme blanc constitue son point culminant : Pié Ferré 2041m.
A partir du Col du Pison 1655m, on descend sur quelques dizaines de mètres son versant Nord avant de piquer plein Ouest pour partir à l'assaut des Rochers de Plautret. On évolue maintenant totalement hors sentier. De toute manière, même en saison estivale, aucun itinéraire officiel ne permet d'atteindre les Rochers de Plautret.
Tout droit vers l'arête sommitale.
Le relief du versant Est des Rochers du Plautret ne présente aucune difficulté et aucun danger. On évolue dans une forêt qui s'éclaircit au fur et à mesure de l'ascension. Si l'on vient du Sud ou du Nord, il ne faut pas hésiter à suivre fidèlement les crêtes jusqu'au sommet pour bénéficier d'une plus ample vue de part et d'autre de la montagne.
Durant la montée, une partie de la barrière orientale du Vercors devient visible au-delà du Grand Veymont, notamment Roche Rousse.
Malgré quelques cumulus, le panorama s'annonce grandiose depuis le sommet.
Du sommet des Rochers de Plautret, on plonge sur la Drôme et la Dent de Die que l'on domine de 200m. La frontière Sud du Vercors est assaillie par la nébulosité. Par chance, ce n'est pas notre cas.
La vue sur les Hauts Plateaux du Vercors est spectaculaire. Le Grand Veymont surveille, le Mont Aiguille s'incruste mais c'est bien l'immensité qui domine. D'autres sommets secondaires sont également de la partie à l'instar du Sommet de Montaveilla et des Rochers du Parquet. En plus des cimes, on distingue les différents alpages des plateaux : Plaine de Queyrie, Jas Neuf, Jasse de la Ville, Jardin du Roi.
La Montagne du Glandasse au centre et les hauteurs du Cirque d'Archiane à gauche. On devine même l'alpage du Jardin du Roi où nous sommes passés la veille sur l'extrémité gauche de la photo.
Le vent est encore trop puissant pour que l'on se pose tranquillement au niveau du sommet des Rochers de Plautret. On voit d'ailleurs particulièrement bien la neige soufflée et les arbres penchés et givrés près des arêtes. On poursuit donc sur le fil de la crête Sud des Rochers de Plautret pour rejoindre quasiment le Col des Bachassons, porte de sortie possible des Hauts Plateaux vers le Pays de Die.
Le versant Ouest et Est de ces Rochers de Plautret sont radicalement différents. Une paroi verticale chutant de 200m d'un côté et une pente douce globalement alpestre dans un premier temps puis forestière dans un second. Ce style de relief permet d'apercevoir un magnifique panorama sans avoir à évoluer dans un environnement difficile.
Au loin, les montagnes proches du Vallon de Combau semblent encore malmenées par les nuages alors que nous bénéficions d'un franc soleil depuis maintenant de nombreuses heures.
Au pied de l'arête Sud de Plautret, on devine deux nouveaux alpages : la Jasse de Plautret et la Jasse de la Ville. On passera par ces deux clairières, notamment la première puisqu'une source est présente non loin de la petite bergerie.
La Fontaine des Bachassons et les Rochers du Plautret juste au-dessus.
Sur la droite de la photo, entre la Montagne du Glandasse et la Tête du Petit Jardin, on devine le fil de la combe qui doit nous ramener au coeur du Cirque d'Archiane. Au niveau de la Jasse de la Ville, il nous reste un peu plus de 5km pour relier le point de départ.
Près du croisement des Quatre Chemins de la Ville, on fait un dernier clin d'oeil au Mont Aiguille et aux Rochers du Parquet. Pour la suite, la combe occultera les principales cimes du massif.
A la Jasse de la Ville, nous avons le choix entre suivre le Gr93 qui poursuit à niveau sous la Montagne du Glandasse ou suivre la Combe de l'Aubaise dès sa partie haute. On préfère la seconde option pour éviter de s'embourber dans la neige de printemps.
On s'engouffre donc dans la combe qui se rapetisse au fur et à mesure de notre approche. Sur ses flancs les mieux exposés, quelques crocus s'incrustent au milieu des alpages grillés.
L'option choisie s'est révélée plus délicate que prévue. La proximité du Gr en amont de la combe a concentré le flux de randonneurs sur le premier. Le sentier entrepris semble par moment abandonné tant la végétation est dense et empêche notre descente progressive vers le Cirque d'Archiane. A cela on rajoute des amas de neige conservés par l'exiguïté des lieux. Quelques cairns aident tout de même à suivre le fil de la combe même si globalement on suit le talweg.
L'unique avantage de ce passage aura été de rencontrer (enfin !) quelques bouquetins venus se réfugier des vents tempétueux en altitude.
Quelques dizaines de mètres après le carrefour des Quatre Chemins de l'Aubaise, on remet pied sur le Gr93. La combe s'élargit subitement et le sentier part quelques instants en balcons sous les imposantes parois du Cirque d'Archiane. On a du mal à se focaliser sur nos pieds et sur nos pas tant on est impressionné par la mâchoire géologique formée par ces falaises d'Archiane et du Glandasse.
On scrute par la même occasion si les vautours du coin, ou encore mieux, le gypaète viendraient nous rendre visite.
Après cette parenthèse verticale, le sentier s'enfonce dans la forêt du Cirque d'Archiane. Ici, plus question de pins à crochet, on zigzague entre les pins sylvestres, les lavandes et les mottes de tin. A cela s'ajoute la chaleur qui insuffle des odeurs de Provence sur ces pentes ensoleillées.
Le Cirque d'Archiane est un lieu unique dans le Vercors. A la confluence des Alpes du Nord et des Alpes du Sud, cette merveille géologique est formée de falaises de plus de 400m plongeant des Hauts Plateaux. Cette géologie particulière en fait un paradis pour une faune et une flore d'une diversité exceptionnelle. Le Parc Naturel Régional du Vercors a profité de ce cadre pour réaliser plusieurs vagues de réintroduction d'espèces autrefois endémiques de la région. Le bouquetin réapparait en 1989, le Vautour fauve en 1999 et en 2010 c'est au tour du Gypaète barbu. Au début des années 1990, on réfléchit même à la réintroduction de l'ours brun dans ces montagnes, le dernier spécimen vivant ayant été observé à la fin des années 1930. Face à un levé de bouclier, le projet restera lettre morte concernant le plantigrade et les phases de réintroduction se cantonneront aux Pyrénées.
Mais concernant les autres espèces, et même si durant ces deux jours la plupart ont été discrètes, ce processus de réintroduction a été un véritable succès puisqu'on dénombre environ 400 bouquetins sur les Hauts Plateaux du Vercors et en 2022 un bébé gypaète est né, soit 150 ans après sa disparition. Il faut dire que malgré quelques randonneurs éparpillés sur des hectares de Hauts Plateaux, la région n'est que très peu peuplée. Seuls 3 habitants vivent à l'année dans le hameau d'Archiane. De quoi ravir la faune locale.
On termine cette épopée vertacomicorienne sous une ambiance printanière et sous des falaises baignées par les rayons du soleil. Tout comme le Mont Aiguille, le Cirque d'Archiane cache un paradis unique et sauvage. Peut-être est-ce là la raison de l'appellation ''Jardin du Roi''.
Quoiqu'il en soit, la prochaine aventure dans ces montagnes aura sûrement pour objectif d'observer les véritables seigneurs de ces parois : vautours, gypaètes, bouquetins, chamois qui, ces deux derniers jours, ce sont fait timides.
Le moyen idéal pour les rencontrer est de réaliser les quelques vires qui sillonnent certaines de ces parois à l'instar de la Vire de Sambardou et celle du Rocher d'Archiane. Vertige assuré nous semble-t-il ! De quoi nous stimuler pour une future randonnée près de ces parois.
ITINÉRAIRE DE LA RANDONNÉE :
- Départ/Arrivée : Parking du Hameau d'Archiane - km 0
- Bifurcation vers Tussac (hors Gr93) - km 2,9
- Bergerie de Tussac (source) - km 5,9
- Gouffre de Nouvelet - km 8,8
- Bergerie du Jardin du Roi - km 10,8
- Pas de la Coche - km 13,8
- Source de Grailler - km 14,1
- Abri de l'Essaure (Nuitée) - km 14,8
- Pas de l'Essaure - km 15,5
- Col du Creuson - km 16,6
- Bergerie de Chamousset - km 18
- Pas de la Chèvrerie - km 19,4
- Cabane de Chaumailloux (source) - km 20,5
- Bergerie du Jas Neuf - km 22,1
- Col du Pison - km 23,7
- Les Rochers de Plautret 1827m - km 25,4
- Près du Col des Bachassons - km 26,4
- Fontaine des Bachassons (source) - km 26,7
- Croisement des 4 Chemins de la Ville - km 27,6
- Carrefour des 4 Chemins de l'Aubaise - km 30
- Croisement Gr/Sentier des Vautours - km 32,4
- Hameau d'Archiane - km 33,8
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